Édouard Bénédictus fait l’admiration de ses contemporains par la diversité de ses
talents. Ses découvertes de chimiste sont fameuses : il brevette notamment en 1909
un procédé de verre feuilleté qui constitue une véritable avancée pour l’industrie
automobile. De même, son œuvre en tant qu’artiste décorateur spécialisé
dans le textile ainsi que ses modèles de compositions décoratives publiés dans
les années 1920 sont présentés dans plusieurs expositions et publications. En
revanche, c’est la première fois que ses dessins de décors et de costumes sont
étudiés pour eux-mêmes.
Féru de musique et d’arts de la scène, il nourrit très tôt des liens avec le milieu du
spectacle et de la musique. Remarqué à de nombreux galas et spectacles,
il devient membre de la Société des Apaches. Il côtoie dans ce vivier intellectuel des compositeurs comme Maurice Ravel et Maurice Delage, mais aussi des décorateurs à l’exemple de Georges Mouveau qui travaille alors pour l’Opéra de Paris. Édouard épouse
également en deuxièmes noces la cantatrice Violette Gounin.
De 1918 à 1920, Édouard Bénédictus œuvre pour des représentations, pièces de théâtre et fééries. Ses dessins de décors, rideaux de scène et autres dispositifs scéniques traduisent tantôt le faste cultivé, tantôt l’ingéniosité sobre, tantôt la drôlerie de son esprit. Ses productions sont d’une grande diversité et couvrent un large répertoire, de La Mégère apprivoisée de Shakespeare à la féérie orientale Les Mille et une nuits en
passant par le drame lyrique Polyphème. Puis, dans les années 1920, il se consacre
entièrement aux arts décoratifs, se focalisant sur la conception de motifs décoratifs pour des papiers peints et surtout des textiles, dans un style représentatif du mouvement Art déco. Il collabore notamment avec les maisons Brunet, Meunié et Cie puis Tassinari &
Chatel.
Parmi les représentations pour lesquelles le Musée des Arts Décoratifs conserve
des œuvres, deux sont particulièrement emblématiques du travail de Bénédictus.
La première est la reprise du 21 septembre 1918 de Plus ça change, féerie comique
de Rip représentée pour la première fois à Paris le 7 septembre 1915 au théâtre Michel. Elle raconte le voyage à travers le temps du baron Jolibois des Sardines qui traverse la Révolution française, l’époque de Louis XIV et celle de Charles VI, l’Égypte de Cléopâtre ou encore l’Antiquité grecque et la Préhistoire. En plus du dessin du rideau de scène, sont conservés de l’artiste ceux des costumes propres aux époques traversées.
Bénédictus succède ainsi à Paul Poiret, qui avait conçu les costumes de cette pièce pour sa reprise de 1917.
La deuxième représentation est la féérie orientale des Mille et une nuits, écrite
par Maurice Verne et dirigée par Firmin Gémier. Présentée au Théâtre des
Champs-Elysées le 12 mai 1920 puis reprise au Théâtre des Variétés un mois
plus tard, cette représentation réunit de grands noms des arts du spectacle à
l’instar d’Andrée Mégard, Régina Camier, Victor Francen, le clown Footit ou encore
le danseur Habib Benglia. Les dessins de Bénédictus, précieux et chatoyants,
font surgir le palais du Calife, le bain des sultanes ou encore la mosquée,
habillent des bouffons, des princesses, des danseuses ou encore des cortèges
d’animaux parfois fantastiques. Ils sont nourris par des recherches sur les motifs
animaux et géométriques et par une réflexion poussée sur la construction des éléments de décor, dont on trouve la trace dans les carnets de l’artiste, qui témoignent de son imagination foisonnante.
Si le Musée des Arts Décoratifs rend aujourd’hui hommage à Édouard Bénédictus, c’est avant tout parce qu’il conserve un important fonds de dessins de cet artiste, qui sont pour l’essentiel rentrés dans les collections en 1939 grâce au don de la veuve de l’artiste, Violette Gounin. Cette sélection d’œuvres met en lumière toute la curiosité et l’ingéniosité de son esprit ainsi que son génie et son plaisir à marier les couleurs et les motifs.