Sculpter le bois et la terre : Julian Schwarz et Nicholas Rena

du 11 juin au 4 octobre 2009

Réunis pour la première fois au sein de l’exposition Sculpter le bois et la terre, deux créateurs anglais au sommet de leur art, le sculpteur sur bois Julian Schwarz et le céramiste Nicholas Rena, dialoguent avec leur maîtrise de matériaux très différents dans une même rigueur de la forme, un sens aigu du dessin, un même amour de la force et du silence. Ils ont fait de l’épure, du dépouillement, du surdimensionnement et d’une volonté sculpturale les principaux atouts de leur pratique. Sans connaissance préalable de leurs parcours respectifs, ils sont inspirés l’un comme l’autre par la force constructive des formes d’usage issues d’une tradition millénaire, telles que le pichet, la coupe ou encore le bol. Dans une coïncidence esthétique certaine, mais avec des moyens différents, Julian Schwarz et Nicholas Rena cherchent une nouvelle place pour la notion d’objet d’art aujourd’hui, l’un en s’appropriant un savoir-faire ancestral et le « hors-temps » propre à l’artisanat, l’autre en interrogeant de façon critique la culture du design et la place toujours plus grande accordée aux objets dans le champ de l’art.

Julian Schwarz

Julian Schwarz (né en 1949 à Birmingham, Grande-Bretagne) étudie la sculpture à la Slade School of Art de Londres, au début des années 1970. Entre l’influence de son père peintre et celle de son grand-père charpentier, il se passionne pour le travail du bois. Il commence à travailler sur des formes complexes inspirées par la tradition des architectures de bois au Japon et la virtuosité de la haute ébénisterie. La précision géométrique confondante de ces premières sculptures se rapproche des univers impossibles dessinés par Escher ou Piranèse. Des gravures sur bois de même inspiration sont réalisées à la lame de couteau sur contreplaqué, tirées sans l’usage d’une presse. Des peintures acryliques sur papier abordent ensuite la figure humaine et l’autoportrait. L’énergie rude qui s’en dégage rappelle les œuvres de certains peintres expressionnistes allemands dans les années 1920, tels Kirchner ou Schmidt-Rottluff.

En 1990, Julian Schwarz et France, son épouse française rencontrée à Londres, s’installent près de Paris. Au début des années 2000, l’artiste recentre sa pratique sculpturale autour d’une approche de la fonction, réduisant volontairement son registre formel aux contenants, urnes, bols, bassins, coupes plates ou profondes. Ces pièces inhabituelles par leur taille et leur poids (entre 20 et 50 kg) sont inspirées par l’art populaire, les sarcophages antiques, les sculptures et architectures du moyen-âge. Taillées manuellement dans la masse d’un tronc entamé d’un seul côté, afin d’éviter l’axe central et de minimiser ainsi les possibles fissures, elles sont ensuite sculptées patiemment avec des outils d’artisan, d’abord une herminette de tonnelier et quelques scies de bûcheron, puis des ciseaux et des gouges, dont certains sont fabriqués ou transformés par le sculpteur.

En accord avec les gestes et les outils, l’intention conceptuelle de Julian Schwarz se focalise sur les notions de solidité et d’énergie, combinées à un jeu de forces réparties de façon cohérente. Les formes peuvent naître d’une géométrie adoucie, mais elles sont aussi très organiques, « corporelles » même dans leur épaulement, leur panse ou leurs anses. Les tonalités des différentes essences de bois utilisées, les veinures, fissures et taches naturelles marquant les étapes de croissance entre le cœur et l’aubier (la partie juste sous l’écorce) composent pour le regard un paysage noble et chaleureux, d’une présence austère mais rassurante.

Atteignant aujourd’hui un point de maturité magnifique, Julian Schwarz développe un propos sincère autour de cette énergie vitale qui le pousse à produire des « vaisseaux plutôt que de la vaisselle. (…) Pourquoi des vaisseaux ? Comme objets enveloppants, ils sont les échos des commencements ; en tant que contenants, ils reflètent aussi nos conclusions sur terre. Entre ces deux extrémités, la corne d’abondance et la cruche à eau nous soutiennent… »

L’exposition Sculpter le bois et la terre constitue la première présentation de l’œuvre de cet artiste dans une institution française.

Nicholas Rena

Nicholas Rena (né en 1963 à Londres, Grande-Bretagne) s’est formé préalablement à l’architecture à l’Université de Cambridge. Il entre ensuite au Royal College of Art à Londres, département céramique, dont il sort diplômé en 1995. Il se fait remarquer au début des années 2000 sur la scène internationale avec ses premiers grands objets en faïence réalisés par moulage et teintés après cuisson avec des encres typographiques, en tonalités sombres et nuagées. Il dit chercher à produire des « objets de silence », comme des « lieux » conçus comme des « extérieurs avec un intérieur ».

A l’effroi que lui inspire le chaos des objets issus de notre société de surconsommation, Nicholas Rena oppose sa volonté « d’y voir plus clair dans l’agencement des choses entre elles ». Il s’intéresse au Néoplasticisme de Ben Nicholson en Grande-Bretagne, au Purisme d’Amédée Ozenfant et de Le Corbusier, préconisant un retour à l’ordre. L’univers formel de Fernand Léger le captive également pour sa façon « sévère mais très tendue de l’intérieur » d’envisager le dessin des objets. Ses techniques personnelles de sculpteur-céramiste se sont constituées dans une indépendance absolue vis-à-vis de la tradition potière anglaise, dont il admire néanmoins les plus éminentes figures du XXe siècle, Hans Coper et Lucie Rie.

Nicholas Rena préfère rechercher ses formes comme un designer, en dessinant strictement, puis en fabriquant des prototypes réalisés en plâtre. Sur ces matrices posées à l’envers, il estampe l’argile blanche jusqu’à obtenir l’épaisseur massive du volume qui constitue sa marque de reconnaissance visuelle. Après séchage, démoulage, perfectionnement des profils à la lame du rasoir, la pièce est prête pour une cuisson n’excédant pas la température de 1100°C. De façon non traditionnelle, après cuisson, l’artiste colore ses objets en appliquant à froid de multiples couches de peinture acrylique, pour obtenir une texture grasse, semi-mate, dont l’éclat vif et retenu est comparable à celui d’un vernis de laque de Chine, qui obture complètement la surface de terre cuite. Avec l’ambition d’un monumentalisme inspiré par l’architecture, la présence de ces pièces est remarquable. Elles semblent se vider progressivement de leur origine fonctionnelle pour revêtir un manteau de solennité, devenir « intouchables », presque irradiantes.

En 2008, Nicholas Rena a été l’un des lauréats du Jerwood Prize, qui récompense les meilleurs artistes anglais dans les domaines des arts visuels et des arts appliqués. Il a conçu à cette occasion une installation composée de huit impressionnants pichets et coupes aux couleurs vives assemblés en quatre paires, pour une interprétation abstraite du récit de l’extase mystique de Sainte Thérèse. Le créateur interroge la place qu’occupe encore le sacré au coeur de la pratique artistique actuelle. L’émotion qui naît est contrôlée par le dispositif spatial strictement symétrique, comme autant de séquences fixes incitant à une réflexion sur la grâce, l’accomplissement des sens et la nécessité du spirituel.

Pour la galerie d’actualité du Musée des Arts Décoratifs, Nicholas Rena prolonge cette thématique du don et de l’offrande par une installation inédite intitulée Action primaire, réalisée spécialement pour sa première exposition dans une institution française.

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