Prolongeant l’exposition « Jacqueline Kennedy, les années Maison-Blanche – sélection de la John F. Kennedy Library and Museum », les « Sixties, mode d’emploi » explorent les bouleversements apparus dans la mode parisienne des années 1960. Cette décennie voit les nouvelles orientations de la haute couture, la naissance du stylisme, l’apparition des boutiques et des bureaux de tendances, des salons et des défilés de prêt-à-porter. Costumes et accessoires, mais aussi photographies, croquis, affiches et mobilier sont réunis pour témoigner de cet héritage dont nous sommes aujourd’hui encore redevables.
Jusqu’à la fin des années 1950, sous l’hégémonie de Christian Dior, la haute couture parisienne règne dans le domaine de la création, reléguant couturières et industries de la confection au rang de suiveurs. Souveraine, conservatrice, conforme à un idéal d’élégance, cette mode séduit essentiellement une clientèle riche et cosmopolite mais s’éloigne peu à peu des attentes de la jeunesse. Elle ouvre pourtant la voie à une certaine démocratisation en inaugurant des « espaces boutiques » situés au rez-de-chaussée des grandes Maisons. La haute couture propose alors des accessoires, des chemisiers, des vêtements sports griffés, fabriqués en série limitée. La diffusion de ce premier prêt-à-porter de luxe associe la confection en série, la création et le prestige.
Parallèlement, le confectionneur Albert Lempereur importe des États-Unis l’infrastructure du prêt-à-porter américain (traduction littérale de « Ready to wear »). La standardisation des tailles et la normalisation des étiquettes enrichissent les codes de cette nouvelle industrie, dont la communication utilise plus que jamais les journaux spécialisés et les tous nouveaux bureaux de tendances.
L’onde de choc de la bombe Courrèges qui explose en 1965 provoque alors des interférences entre la haute couture et le prêt-à-porter. Créateur d’un concept intégral, qui tient compte des aspirations de la femme moderne, André Courrèges crée des robes, dans de nouveaux matériaux, à la taille et aux hanches effacées, dévoilant le genou ainsi que des ensembles pantalon réservés jusque-là au sport et déclinés pour toutes les occasions. Cette nouvelle silhouette, simplifiée, aux lignes épurées, ébranle l’image conformiste de la haute couture, conquiert le goût de la jeunesse et suscite une imitation immédiate qui émancipe le prêt-à-porter naissant.
Désormais structuré et libre de créer, le prêt-à-porter devient le terrain d’expression des stylistes : Gérard Pipart, Emmanuelle Khanh, Michèle Rosier, Christiane Bailly sont les pionniers de cette profession. Les boutiques, nouvelles formes de distribution, se généralisent et accélèrent la diffusion du vêtement. Conçues comme des lieux de rencontres, elles offrent un spectacle d’ambiances délirantes conçu par et pour la jeunesse. « Dorothée bis » d’Elie Jacobson ou « Laura » de Sonia Rykiel, auto proclamées stylistes-détaillants, offrent ainsi leurs produits « faits maison » et ceux des autres stylistes.
Les consommateurs trouvent enfin le reflet de leurs envies. Tout est permis : mini-jupes, maxi-jupes, mini-shorts, vêtements transparents. La mode décline alors ses utopies à travers des vêtements unisexes signés Jacques Estérel ou des ensembles « cosmonaute » de Pierre Cardin, des tenues folkloriques et artisanales des hippies contestataires ou des pantalons de travail désormais sacralisés.