L’Exposition de1867 est un succès triomphal pour Henri Fourdinois, récompensé du Grand Prix dans la classe XIV Meubles de luxe. À côté du riche cabinet sur piètement à colonnes en ébène aujourd’hui au Victoria and Albert museum, il présente un cabinet en noyer au dessin très architectural qui puise son inspiration dans des modèles de la Renaissance. Les tons chauds du noyer sont enrichis d’incrustations de jaspe et de lapis lazuli. Les compartiments intérieurs sont relevés d’incrustations composées d’ivoire et de masques en argent ciselé, réitérant le jeu de la polychromie hérité du XVIe siècle. Enfin la richesse ornementale, avec de nombreuses frises de rinceaux et d’arabesques qui se déploient sur l’ensemble du meuble, dérive du répertoire décoratif de la Renaissance française. Le piètement est formé par des sculptures en ronde bosse figurant deux sphinges ailées qui supportent l’entablement d’un corps supérieur à deux vantaux. Le thème des Arts prédomine dans l’ensemble de l’ornementation, le bas-relief central en partie basse représente la figure allégorique de l’Histoire1, ceux des deux vantaux Apollon et Diane, encadrés par des niches où figurent les statuettes de Mars et de Minerve. Le fronton est composé de volutes surmontées des figures allégoriques de la Paix et de l’Abondance. Les collaborateurs sont connus : “C’est M. Arhens qui a exécuté l’opération excessivement délicate de ce sciage. M. Niviller a dessiné l’ornementation de ce meuble ; M. Parti en a modelé les figures. MM. Primo et Maigret en ont sculpté les bois.”2 Il faut noter qu’à l’Exposition universelle de Londres de 1862, Fourdinois présentait un meuble en ébène en tout point similaire pour la partie haute et qui avait trouvé preneur chez un orfèvre anglais, “Le Jury de la classe 30, en décernant une médaille a M. Fourdinois fils, remarque que “ M. Henri Fourdinois (fils de l’ébéniste éminent M. Fourdinois) fait son début à l’Exposition de 1862 en produisant un ouvrage de l’ordre le plus élevé, lequel, dans l’opinion du Jury et du public en général, est considéré comme un ouvrage exceptionnel, comme un chef-d’œuvre, en un mot. Son cabinet en bois sculpté, incrusté d’ivoire à l’intérieur, est exécuté dans le style du 16e siècle, et égale, pour la délicatesse de l’exécution, la beauté du dessin et l’élégance de la forme en général, les plus beaux ouvrages de cette période célèbre. Sobriété d’ornements, simplicité dans les lignes, précision de travail, tout était réuni dans ce magnifique cabinet ; et tout en rappelant le caractère spécial des ouvrages d’une autre époque, il possède une originalité particulière, qui le distingue de la manière la plus remarquable. Les autres objets d’ameublement, pour la plupart de l’ordre le plus élevé, exposés par M. H. Fourdinois, sont pour un usage plus journalier ; ils sont d’une exécution qui ne laisse rien à désirer et ils auraient suffi seuls pour obtenir au fabricant, au commencement de sa carrière, la place qui lui appartient de droit, et qu’il a conquise dès son entrée dans l’arène industrielle.”3
Malgré une effusion d’éloges, certains lui reprochent “cette surabondance de l’ornementation” en assignant “l’essence du beau c’est la sobriété” et ajoute qu’avec tout ce décor “on eut pu fabriquer quatre meubles tout riches et d’un aspect plus satisfaisant”4, ce à quoi renchérit Léon Chateau dans son étude sur le mobilier à l’Exposition de 1867 : « cette tendance à travailler pour les millionnaires ou les têtes couronnées n’est évidemment pas celle que nous voudrions voir s’établir à poste fixe dans nos industries de l’ameublement »5.
Alors que MM. Diéterle et Pollen faisaient de ce cabinet un « objet précieux pour un musée »6, il faut attendre des années avant son entrée au musée. Ne trouvant aucun acquéreur ni à l’Exposition de 1867 ni à celle de 1878 « n’est-il point désolant, vraiment, de voir une œuvre de cette valeur ne point trouver à notre époque, après onze ans d’existence, un mécène intelligent et assez ami des arts pour acquérir ce qu’elle vaut une pièce pareille ? »7, ni lors de la vente aux enchères de 1887, le mobilier reste dans la collection personnelle des Fourdinois. Après avoir été exposé deux fois par l’Ucad, d’abord à l’exposition d’art contemporain en 1879, puis à l’exposition du bois en 1882, la veuve d’Henri-Auguste Fourdinois le lègue au musée en 1922, en souvenir de l’action qu’avait menée son mari au sein de l’institution.