Extraits du texte d’Emilia Philippot, « C’est un jouet et en même temps… », pour le catalogue de l’exposition Vilac, 100 de jouets en bois.

« C’est un jouet et en même temps une œuvre d’art. »

Nous sommes à Paris, vers 1900. Cette publicité vante les mérites des jouets Caran d’Ache et figure en bonne place des magasins du Louvre. Promesse de conciliation harmonieuse de l’objet pratique et de l’objet de collection, l’énoncé (…) demeure aujourd’hui pertinent pour qualifier toute une frange de la production dite des « jouets d’artistes » et, plus particulièrement encore, ceux édités depuis presque trente ans par l’entreprise Vilac.

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Les jouets Vilac s’inscrivent dans la tradition des premiers jouets d’artistes illustrateurs du début du XXe siècle. (…) Parmi eux, Caran d’Ache (1859-1909), dessinateur bien connu pour ses fameuses ombres, dont les silhouettes graphiques sont transposées en jouets de bois découpé. Son répertoire, essentiellement animalier, compte chiens, ours, canards, mais aussi soldats et coffrets thématiques, dont l’un des plus célèbres est sans doute celui consacré à la chasse. En 1993, Vilac réédite son bouledogue.
La même année, l’entreprise réédite quelques-uns des jouets de Benjamin Rabier (1864-1939), auteur-illustrateur de génie et inventeur de « l’animal-héros ». (…) Son plus illustre personnage, le canard Gédéon est édité sous forme de jouets en bois articulés dès 1908, puis à partir de 1916, dans des versions montées sur roulettes. Par la suite, son travail est décliné dans une grande pluralité de supports : matériel scolaire (buvards, cahiers, abécédaires), jeux (de l’oie, loto, cartes à jouer), panneaux éducatifs, dessins animés, meubles et objets de décoration (armoires, lampes), etc.

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La plupart des artistes collaborant avec Vilac s’inscrivent dans cette filiation des artistes illustrateurs du siècle dernier. Ils déclinent et adaptent leur univers visuel aux produits fabriqués par la société. Parmi eux : 100drine, Jean-Charles de Castelbajac, Nathalie Lété, Federica Matta, Corinne Marchetti, Yoshitomo Nara, Raymond Savignac. Leurs créations : des théâtres, des poupées, des accessoires de papeterie, des sceaux de plage, des jeux de cartes, des jouets à traîner, des boîtes…

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Les jouets d’Alexander Calder (1898-1976), dont l’édition fut initiée en 2003 par la famille des ayants droit, ne s’inscrivent néanmoins pas dans cette tradition des artistes illustrateurs. Ces jouets, à l’exception de quelques peluches, sont soit des jouets animés (vache à pousser, kangourou et poisson à tirer), soit des jouets à assembler (puzzle en trois dimensions en forme d’éléphant ou de chat). Tous ont été entièrement conçus par Calder lui-même.
Réalisés au milieu des années 1920, (…) d’abord destinés à alimenter les étals d’un vendeur de jouets parisien, ces jouets mécaniques (vite rejoints par les figures en fil de fer) ont ensuite peuplé le fameux Cirque Calder, présenté pour la première fois à Paris en 1926. (…) Amusement pour lui-même et pour les autres, ces jouets sont aussi, et surtout, un jalon essentiel dans son approche mécanique et visuelle du mouvement et une première étape sur le chemin qui le conduira à concevoir ses célèbres mobiles.

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Les jouets d’artistes édités par Vilac se situent donc à mi-chemin entre support de jeu et objet de collection. (…)
On retrouve ces deux grandes caractéristiques dans la collaboration entre Vilac et Keith Haring (1958-1990). Bien que Keith Haring ne soit pas illustrateur au sens strict, il a commencé sa formation par des études de graphisme publicitaire. Cette approche a incontestablement marqué son style et joué un rôle essentiel dans l’élaboration de son vocabulaire : trait efficace, forme évidente, archétypale, immédiatement compréhensible par tous. (…) Son graphisme simplissime des silhouettes, ourlées de larges cernes noirs et soulignées par des aplats de couleur pop, présente en outre un atout majeur : celui de pouvoir être décliné sur tous types de supports.
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Tout comme chez Hervé Di Rosa (né en 1959) qui dessine des jouets pour Vilac dès les années 1990, ce serait donc avant tout l’opportunité d’une plus large diffusion de l’art dans la vie qui aurait motivé Keith Haring à accepter l’invitation de Vilac. Et c’est ainsi que, connus dans le monde entier, ses personnages graffités inspirés par l’art de Fernand Léger, Pierre Alechinsky et Jean Dubuffet commencèrent à coloniser les jouets et à pénétrer plus largement dans le quotidien.

2 COMMENTAIRES
  • Belle epoque
    23 février 2012 09:45

    ça me rappelle mon enfance heureuse ou l’on passé du temps avecces jouets en bois loin des ecrans de télévision et des consoles de jeux, une bien belle époque !

    Elisabeth

    salon de jardin

  • jouets en bois
    25 octobre 2011 23:01, par David

    Je ne conaissais pas toute l’histoire et je peux dire que j’ai vraiment aprécié le récit. Diffile d’imaginer que cela fait maintenant 100 ans que ces jouets en bois se créent.

    option binaire

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