Extrait du catalogue « L’Art de l’Automobile, Chefs-d’œuvre de la collection Ralph Lauren », éditions Les Arts Décoratifs, Paris, 2011

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Quand et comment avez-vous commencé à collectionner ? Quelles étaient vos motivations de départ ? Sont-elles identiques aujourd’hui ?

Je ne me considère pas comme un collectionneur d’automobiles. Dans mon esprit, elles sont comme une part de moi-même. C’est un amusement, comme des jouets ; lorsque vous commencez à en essayer plusieurs et que vous pouvez vous les offrir, vous les regardez et vous rêvez de les acquérir. Chacune suscite une sensation différente. Peu importe que ce soit une Bugatti ou une Morgan 1961. Ma collection reflète cette diversité. Je n’ai jamais cherché à acheter des automobiles pour épater les gens ; je me vois plutôt les conduisant, vivant avec elles et les utilisant comme si elles faisaient partie de moi. Je ne les considère pas comme des objets merveilleux que je posséderais et que les autres viendraient admirer. Je les conduis et m’en sers pour me promener avec mes enfants. En fin de compte, je leur fais retrouver leur véritable nature.

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Certaines voitures de votre collection remontent à une époque où l’automobile relevait encore de l’artisanat, du moins en ce qui concerne les véhicules de prestige. Vous êtes d’évidence sensible à cet aspect. Y trouvez-vous des points de ressemblance avec votre activité dans le domaine de la mode ?

Très certainement. Pour moi, les automobiles sont de véritables œuvres d’art. Dans ma collection, certaines des plus anciennes ont réellement été faites à la main. Les finitions et le travail du métal étaient réalisés par des artisans. J’ai toujours aimé ces machines créées par des personnes qui mettent à profit leur passion pour la fabrication afin de donner naissance à de belles formes ou à des sons qui procurent du plaisir. Ettore Bugatti était un artiste de ce genre. Ses voitures étaient les créations d’une équipe d’artisans. J’adore ce côté artisanal, on a l’impression d’entretenir une relation personnelle avec le fabricant. Aujourd’hui, la création automobile est beaucoup plus sophistiquée, mais celles que j’aime, collectionne et conduis sont toujours particulières, possédant une identité artistique qui leur est propre. Le travail à la main est capital dans mon activité de créateur. Beaucoup de nos produits, comme les sacs à main ou les montres, sont fabriqués manuellement par des artisans un peu partout dans le monde. Ces objets sont très attirants parce qu’ils ont une intemporalité qui transforme leurs possesseurs en collectionneurs. Posséder aujourd’hui quelque chose fait à la main, de façon artisanale, relève du principe de désir.

Vous avez dit à plusieurs reprises que vos voitures représentaient pour vous une source d’inspiration dans la création de vêtements, d’objets ou d’accessoires. Pourriez-vous expliquer en quoi ?

Ma vie quotidienne, mon travail, les choses que j’aime et les gens que je rencontre sont pour moi une source continue d’inspiration. Je suis constamment à la recherche d’idées pouvant développer ma vision créative. Les automobiles ont toujours été un élément enrichissant dans ce processus. Quand je contemple une voiture, j’aime ses prises d’air très stylisées, une rangée de rivets en acier, un enjoliveur ou un bouchon de réservoir, un volant parfaitement travaillé, des garnitures d’un cuir onctueux, un tableau de bord en ronce de bois soigneusement poli ou la beauté d’une sangle en cuir sur la capote. Je m’empare de ces détails et les utilise pour créer aussi bien une montre qu’un fauteuil destiné à une femme en robe de soirée. Il y a quelques années, je me suis inspiré de la fibre de carbone de ma McLaren. J’ai été saisi par l’idée que ces cinquante-quatre couches de tissu carbone, que l’on ne trouvait autrefois que dans les jets les plus performants et les voitures de course, pourraient être utilisées pour un fauteuil à la fois incroyablement confortable et résistant. Nous avons conçu le fauteuil en fibre de carbone RL-CFI, le premier du genre, en 2003. Lorsque, l’an dernier, nous avons lancé la collection de montres Ralph Lauren, de nombreuses formes provenaient de dessins de nos archives. La plus novatrice est directement inspirée de ma Bugatti Atlantic. Je l’ai appelée The Dash parce que son cadran est une reprise du tableau de bord en ronce. Elle s’inscrit dans l’esprit des lignes pures de la voiture. Je serai heureux de la porter quand je conduirai l’Atlantic.

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La restauration des véhicules anciens est une opération délicate qui demande beaucoup d’études préalables sur les techniques contemporaines du modèle ainsi que sur l’historique de l’exemplaire concerné, puis un doigté particulier dans la réalisation afin d’éviter tout excès. Pourriez-vous évoquer les principes généraux appliqués à la restauration de vos voitures ? Avez-vous parfois des hésitations face à certaines questions particulièrement épineuses ? Quelle est la restauration qui vous a donné la plus grande satisfaction ? Quelle fut la plus difficile ? La plus subtile ?

La chose la plus importante dans le domaine de la restauration est de faire appel à ceux qui sont vraiment compétents, les experts. Il y a des experts différents pour Ferrari et Mercedes, pour les Mercedes « Papillon » et pour les Bugatti. Il faut rechercher l’authenticité. Toutes mes voitures ont été restaurées, parce que j’ai toujours voulu éviter de tomber en panne sur la route. La restauration, pour moi, est surtout une question de qualité et de respect des détails d’origine. Je n’étais pas « restaurateur » jusqu’à ce que j’aie la chance de rencontrer Paul Russel, un historien de l’automobile et restaurateur de Boston, qui a ensuite travaillé avec moi pendant une vingtaine d’années. La restauration est un travail délicat. À mes yeux, il ne peut y avoir aucune tricherie dans l’opération. Nous avons, par exemple, restauré une Alfa Romeo 2,9 avec toutes les précautions possibles et dans ses moindres détails. La couleur d’origine, un rouge brillant, a été retrouvée sous cinq couches de peinture. Quand la voiture a été exposée, certains ont trouvé la couleur si rutilante que, selon eux, elle ne pouvait être la bonne. Personnellement, j’aurais préféré un rouge plus sombre qui l’aurait vieillie, mais j’ai respecté la décision du restaurateur et son choix de l’authenticité correspondant à l’histoire de cette automobile.

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Aimeriez-vous créer une voiture ?

Dessiner une automobile et dessiner une collection de mode requièrent un certain métier et une vision, ce sont deux choses totalement différentes. Je sais ce que j’aime dans une voiture, mais je ne me considérerai jamais comme un designer automobile. Choisir la couleur d’une voiture n’est pas la dessiner. J’ai un immense respect pour ceux qui le font. Ils mènent leur carrière comme je mène la mienne. Quand j’étais jeune, je pouvais regarder une Bentley ou une Mercedes et dire : « Oh, cette voiture est si belle ! Regarde les cuirs intérieurs, le tableau de bord en ronce. » Puis passait une Porsche tout à fait austère et minimaliste. Si vous m’aviez demandé laquelle était la plus belle, j’aurais eu des arguments en faveur de chacune. Je ne pense pas que j’aurais jamais pu concevoir la Porsche ou la Bentley. Mais j’aurais pu imaginer comment faire d’elles la plus belle Porsche ou la plus belle Bentley.

4 COMMENTAIRES
  • Superbe exposition !
    8 juillet 2011 17:19, par Vieuxjeu

    J’ai visité hier soir l’exposition avec des amis de mon club de vieilles voitures, un grand merci aux bénévoles de la FFVE qui étaient là pour la soirée « Capot Ouvert », l’état des voitures est incroyable, je pense que le concours de Pebble Beach doit être de ce niveau... Un vrai plus : pouvoir entendre dans les salons sur les côtés le son des voitures, j’ai passé 20 minutes à rêver, les 2h30 que j’ai passé hier dans l’expo m’ont semblé durer 3 minutes... MERCI, je voudrais bien voir les 47 autres voitures Mr. Lauren svp...

  • Juste merci
    4 juillet 2011 20:20, par Marie

    Merci de partager avec nous cette collection d’exception, ces voitures qui ont traversé l’Atlantique pour nous. Je trouve au contraire agréable que les photos ne soient pas permises, même sans flash, la visite en est plus sereine. J’ai été heureuse de pouvoir admirer de telles merveilles restaurées à la perfection.

  • expo anti photographes
    26 juin 2011 23:33, par un visiteur déçu

    Belle expo mais les photos y sont interdites, et vous ne le découvrez qu’après avoir payé votre entrée...

  • Question de créativité
    26 juin 2011 15:35, par Pierre l’Alpin

    Cette exposition a un aspect certainement unique : c’est l’agressivité des gardiens hurlants en ce qui concerne la photographie. Faire une photo de Ferrari Lauren pour la revendre est une chose, faire une photo de souvenir de voyage en est une autre. Les employés du très créatif Ralf Lauren sont supposés - grâce à leur tact classieux -faire la différence. En tant que modeste photographe amateur et en tant que connaisseur d’autos, je peux affirmer une chose : Ralf Lauren n’a pas perdu d’argent en constituant sa collection. Son plateau pese une quarantaine de millions de dollars, un peu plus que son prix de revient, non ? Alors, pourquoi empêcher les gens de ramener quelques modestes souvenirs de vacances ? On aurait peur pour son chiffre d’affaires en cartes postales ? Ces autos ne sont elles pas un peu nobles, comme « en dehors de ce monde » ? un ami (dont j’ignore le nom) a fait une soixantaine d’image de cette collection. Que noble sire Ralf Lauren au ventre plat se rassure : cet ami ne vendra pas !

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