Né à Mons en 1723, Robert-Joseph Auguste est reçu maître à Paris en 1757 et porte à partir de 1777 le titre d’orfèvre ordinaire du roi. Logé aux galeries du Louvre en 1784, il cède son commerce à son fils Henry l’année suivante. Rien ne nous étant parvenu de ses fournitures pour la Couronne, son œuvre est mieux connu par les pièces d’orfèvrerie et les services entiers qu’il réalisa pour les cours de Lisbonne, Londres, Copenhague, Saint-Pétersbourg et Stockholm.

L’attribution des dessins vendus le 4 avril 19251 à l’orfèvre parisien Robert-Joseph Auguste tenait à la présence sur au moins trois d’entre eux de l’inscription « Auguste » d’une graphie paraissant bien être de la main même de l’orfèvre, mais également parce que plusieurs représentaient des objets sortis de son atelier ou évoquant sa manière. Cette attribution avait incité l’expert de la vente à faire apposer au revers de plusieurs dessins le tampon sec : « AUGUSTE RJ ». Effectuée en fonction de rapprochements établis avec la production de l’orfèvre, la présentation qui suit ne concerne qu’une sélection de dessins de ce fonds.

Malgré cette unité apparente, ces dessins ne forment pas un groupe cohérent car ils relèvent de techniques différentes, n’ont pas tous été tracés par la même main, et montrent des objets complets ou bien esquissés sur une moitié, ou bien encore pour lequel l’orfèvre proposait au moins deux variantes de décoration. Toutes ces différences posent immédiatement la question du statut de ces dessins. Plusieurs sont manifestement à l’intention de la clientèle qui pouvait établir son choix entre les différentes propositions notées n° 1, n° 2, etc. D’autres ne semblent être que des riccordi d’œuvres produites par l’atelier, et d’autres encore n’être réservés qu’à l’usage de cet atelier. Malheureusement l’état de la documentation concernant Robert-Joseph Auguste ne permet pas d’en savoir plus : l’inventaire après décès de son épouse en 1773 ne prend pas en compte ce qui dépendait de l’orfèvre ; lorsqu’il céda son activité en 1785 à son fils Henry, l’état de ce qui composait l’atelier n’a pas été annexé à l’acte ; aucun inventaire n’a été dressé après le décès de l’orfèvre en 1805 et, pour couronner le tout, le devenir de ce qui composait l’atelier est incertain après la faillite frauduleuse de son fils sous l’Empire !

Cat. 1 : Moitié de saucière
Atelier de Robert-Joseph Auguste (1723-1805)
Plume et encre noire
H. 0,21 m ; L. 0,27 m
Paris, MAD, musée des Arts décoratifs, département des Arts graphiques, inv. 24 722 A
© Paris, MAD

Le dessin représentant une moitié de saucière peut être rattaché aux œuvres de la première manière d’Auguste (Cat. 1). Même si la ligne générale de l’objet et du plateau se retrouvent sur les saucières du service dit de Soltikof datées de la fin des années 1760, nous pensons que le dessin est à mettre plutôt en relation avec les terrines et pots à oille datés de 1756-1757, acquis par Christian VII du Danemark lors de son séjour à Paris en 1768. Encore marqués par l’art rocaille, ces objets et le dessin présentent les mêmes putti enlacés en guise d’anse (motif qu’Auguste reprendra plusieurs fois par la suite) ainsi qu’un plat au profil identique et bordé de la même moulure de joncs autour de laquelle court la même guirlande de fleurs s’achevant en feuille d’ornement. Dans les deux cas, la terrasse du plateau est ornée latéralement d’un masque grotesque. Tous ces éléments combinés permettent de se demander si le dessin donné par Robert de Rothschild ne représente pas un objet appartenant au service acquis par Christian VII du Danemark – ou prévu pour lui –, dont le commanditaire n’est pas connu et dont seules les pièces maintenant conservées dans les collections royales danoises ont survécu2.

Cat. 2 : Salière
Atelier de Robert-Joseph Auguste (1723-1805)
Plume et encre noire
H. 0,188 m ; L. 0,265 m
Paris, MAD, musée des Arts décoratifs, département des Arts graphiques, inv. 24 722 B
© Paris, MAD

Réalisé selon la même technique et graphiquement très proche, le dessin représentant deux propositions de décor d’une salière-poivrière, formée par deux enfants en ronde bosse tenant chacun une coquille, a depuis longtemps été mis en relation avec des objets au poinçon d’Auguste datés de la fin des années 1760 (Cat. 2). Les œuvres existantes montrent que la proposition figurant sur la partie droite du socle a été partiellement retenue, Auguste le traitant cependant dans un style plus néoclassique. Comme pour le dessin précédent, les objets mêlent intimement traitement sculptural et ornemental, prolongement de la formation d’Auguste à la sculpture3.




Cat. 3 : Quatre dessins représentant une écuelle, son assiette, le détail des anses de l’écuelle et un plat ovale désigné comme plat à rôt
Atelier de Robert-Joseph Auguste (1723-1805)
Plume et lavis
H. 0,23 m ; L. 0,36 m
Paris, MAD, musée des Arts décoratifs, département des arts graphiques, inv. 24 719
© Paris, MAD

Portant des inscriptions donnant des précisions de mesures ou de fonction, quatre dessins répartis sur une même feuille représentent une écuelle, son assiette, le détail des anses de l’écuelle et un plat ovale désigné comme plat à rôt de 11 pouces 9 lignes de long (31,8 cm) (Cat. 3). A première vue, le rapport avec la production d’Auguste est plus ténu dans la mesure où la décoration de l’assiette et du plat, constituée d’un rang de canaux creux bordé d’une moulure en joncs enrubannés, se retrouve chez d’autres orfèvres, notamment François-Thomas Germain ou François Joubert dans les années 1760 et, plus tard, Jean-Baptiste-François Chéret ou Charles Spriman. C’est principalement la provenance du dessin qui autorise à l’intégrer dans le corpus d’Auguste même s’il est difficile de rapprocher l’écuelle avec ce qui est connu ou décrit provenant de son atelier. En revanche, l’assiette et le plat se retrouvent avec une variante dans la production de l’orfèvre qui remplaça la moulure de joncs enrubannés par un tore de feuilles de laurier4.

C’est à la fois par sa provenance et grâce à un objet au poinçon d’Auguste connu par une feuille d’un album Maciet de la Bibliothèque du MAD de Paris5 qu’il est possible de rattacher à l’orfèvre le dessin représentant une écuelle couverte (Cat. 4). Flanqué de deux anses en console, l’objet, très simple, est composé d’un corps uni coiffé d’un couvercle dont la prise est en forme de fruit à graines émergeant de quatre feuilles épousant le bombé du couvercle (Fig. 1). Cette catégorie d’orfèvrerie est commune à bon nombre d’orfèvres, et il est assez intéressant de noter que, même pour un objet d’une telle simplicité il fit l’objet d’un dessin relativement poussé, ce qui pose à nouveau la question de la fonction de ces dessins.

Cat. 4 : Ecuelle couverte
Atelier de Robert-Joseph Auguste (1723-1805)
Plume, sépia
H. 0,185 m ; L. 0,242 m
Paris, MAD, musée des Arts décoratifs, département des Arts graphiques, inv. 24 716
© Paris, MAD
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Fig. 1 : Ecuelle couverte en argent, Robert-Joseph Auguste (1723-1805)
Photographie noir et blanc
Paris, MAD, bibliothèque des Arts décoratifs, album Maciet 376/1, p. 20
© Régine Soulier


















Dans la plupart des cas, et plus particulièrement lors de la confection de grands services, Auguste sous-traitait la fabrication des couverts à Claude-Auguste Aubry, Nicolas-Martin, Jean-Etienne Langlois et peut-être Pierre-Nicolas Sommé. Parfois attribués à l’un des membres de la famille Langlois spécialisée dans les couverts, les cinq dessins du Musée des Arts Décoratifs sont toutefois à rattacher à la production d’Auguste, ne serait-ce parce que l’un porte au verso ce nom d’une écriture qui semble bien être de l’orfèvre lui-même. Ce dessin représente trois paires de couverts numérotées de 1 à 3 avec, à chaque fois, une proposition pour les ornements devant figurer sur et sous la spatule (Cat. 5).
Ce dessin est inséparable d’un autre montrant les mêmes objets et contenant une proposition supplémentaire (Cat. 6). La spatule d’une forme en usage dans les années 1770-1780 est systématiquement comprise dans une moulure de joncs enrubannés ou de feuilles d’ornements et possède au milieu du dessus un cartouche armorié surmonté d’une agrafe, tandis que le dessous possède une chute ou un ornement ciselé sous une agrafe à coquille. Les couverts de table parisiens du XVIIIe siècle sont en règle générale beaucoup moins riches que ceux représentés ici, ce qui nous fait penser qu’il peut s’agir de dessins pour des couverts en or ou vermeil qui étaient plus luxueusement ornés.

Si a priori aucun couvert au poinçon d’Auguste répondant aux modèles précédents ne semble avoir été repéré, l’orfèvre avait réalisé au début des années 1770 des cuillères à dessert en vermeil d’une grande préciosité à cause du manche ajouré constitué d’une tige et d’une guirlande de fleurs entrelacées. Le dessin exact de ce modèle est conservé au Musée des Arts Décoratifs, mais dans l’état actuel de nos connaissances il est difficile de savoir si ce dessin a été réalisé en vue de l’exécution des objets ou d’après eux (Cat. 7)6.

Cat. 7 : Cuillère formée d’une tige et de fleurs entrelacées
Atelier de Robert-Joseph Auguste (1723-1805)
Plume, encre brune et lavis brun
H. 0,24 m ; L. 0,15 m
Paris, MAD, musée des Arts décoratifs, département des Arts graphiques, inv. 24 726 B
© Paris, MAD
Cat. 6 : Une fourchette, une cuillère et six modèles de manches de cuillères
Atelier de Robert-Joseph Auguste (1723-1805)
Plume et sépia
H. 0,231 m ; L. 0,295 m
Paris, MAD, musée des Arts décoratifs, département des Arts graphiques, inv. 24 725 A
© Paris, MAD
Cat. 5 : Une fourchette, une cuillère et quatre modèles de manches de cuillères
Robert-Joseph Auguste (1723-1805)
Plume et sépia
H. 0,231 m ; L. 0,25 m
Signé en bas à gauche au dos : « auguste »
Paris, MAD, musée des Arts décoratifs, département des Arts graphiques, inv. 24 725 B
© Paris, MAD





Il en est de même pour les deux couverts figurant sur un autre dessin, couverts d’un modèle tout autant sinon plus riche, avec le manche constitué d’un entrelacs pris sur pièce (Cat. 8). Là encore, il est difficile de croire que ces couverts, dont aucun exemplaire de ce modèle ne semble exister, ne devaient être réalisés autrement qu’en or ou vermeil. Le dernier dessin représente une cuillère et un couteau dont il existe des exemplaires proches, sinon identiques, au poinçon de Sommé (Cat. 9).

Cat. 8 : Fourchette et cuillère à tige ornée
Atelier de Robert-Joseph Auguste (1723-1805)
Plume, encre brune et lavis brun
H. 0,24 m ; L. 0,25 m
Paris, MAD, musée des Arts décoratifs, département des Arts graphiques, inv. 24 726 A
© Paris, MAD
Cat. 9 : Cuillère et couteau avec tige formée d’une feuille d’acanthe
Atelier de Robert-Joseph Auguste (1723-1805)
Plume, encre brune et lavis brun
H. 0,24 m ; L. 0,13 m
Paris, MAD, musée des Arts décoratifs, département des Arts graphiques, inv. 24 726 C
© Paris, MAD




























Les trois dessins retenus représentant des terrines sont d’une approche différente.

Le premier comprend deux propositions pour une terrine dont le corps repose sur un piédouche placé dans un plateau qui ne comporte pas de variante dans son élévation ou sa décoration (Cat. 10). La proposition du décor de gauche de la terrine rappelle Auguste qui utilisait en guise d’anse le motif du masque de lion tenant un anneau dans sa gueule. La combinaison de cette formule décorative avec un couvercle à godrons surmonté d’un corps de feuilles d’ornement, d’où émerge la prise en forme de graine, se retrouve plusieurs fois chez l’orfèvre (service daté de 1776 ou service dit de Moscou datant de 1782-1783)
(Fig. 2). Sur ces objets, la guirlande de fleurs courant le long du corps n’existe pas ou bien est remplacée par un autre motif. En revanche, cette guirlande de feuilles et un couvercle très proches de ceux du dessin avaient été produits par l’orfèvre au début, dans les années 1770, pour les pièces du service de Cadaval7.

Cat. 10 : Terrine sur piédouche et son plateau
Atelier de Robert-Joseph Auguste (1723-1805)
Plume, sanguine
H. 0,235 m ; L. 0,295 m
Paris, MAD, musée des Arts décoratifs, département des Arts graphiques, inv. 24713
© Paris, MAD
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Fig. 2 : Terrine du service dit de Moscou, 1782-1783
Extrait de : Foelkersam, 1907, tome I, pl. 38
© Régine Soulier




















Cat. 11 : Terrine et son plateau
Atelier de Robert-Joseph Auguste (1723-1805)
Mine de plomb
H. 0,261 m ; L. 0,395 m
Paris, MAD, musée des Arts décoratifs, département des Arts graphiques, inv. 24 710
© Paris, MAD

Le deuxième dessin reprend en guise d’anse un masque de lion tenant dans sa gueule un anneau mais propose comme variante un masque de bélier (Cat. 11), ornement souvent employé par l’orfèvre comme anse de seau ou de terrine (service du comte de Blome, par exemple). Sur le dessin, les ornements du piédouche comprenant une frise de perles sous le corps de la terrine et, au choix, moulure de piastres ou de rais-de-cœur au-dessus de la plinthe, sont courants dans la production de l’orfèvre (services de George III d’Angleterre, du comte de Creutz ou de Moscou). Si le plateau plat à ressaut central godronné se retrouve couramment dans la production d’Auguste, le décor martial (trophée d’armes à l’antique du couvercle et cartouche comprenant des armes en sautoir) laisse entendre que ce dessin a été composé pour répondre à une commande spécifique, probablement d’un militaire. Si la majorité des éléments composant le décor de cette terrine évoque Robert-Joseph Auguste, les deux pieds latéraux en griffe du plateau sont plus fréquents dans la production de son fils Henry8.

Cat. 12 : Pot à oille surmonté d’un groupe de Diane au repos avec un chien et son plateau
Atelier de Robert-Joseph Auguste (1723-1805)
Mine de plomb
H. 0,35 m ; L. 0,48 m
Paris, MAD, musée des Arts décoratifs, département des Arts graphiques, inv. 24 718
© Paris, MAD

Il en est de même pour celui représentant un pot à oille surmonté d’un groupe de Diane au repos avec un chien (Cat. 12). Plateau, ligne du corps, frise de rinceaux ceinturant la panse évoquent la production paternelle, tandis que la forme des anses à angles droits partant de l’ornement de la base du corps, la frise de grandes feuilles sous le corps et, dans une certaine mesure, les rinceaux, sont plus en relation avec la production du fils. Cette confusion possible entre le fils et le père est bien légitime, le fils reprenant au début les modèles de son père tout en introduisant sa propre manière. L’objet représenté porte en son milieu un écusson surmonté de la couronne royale tenu par des putti. Comme aucun objet livré par les Auguste à la Couronne ne correspond à l’objet représenté, ce dessin pourrait illustrer un projet non retenu d’une commande pour le service des cabinets de Louis XVI ou bien un des deux pots à oille ou terrines livrés en 1788 pour le service de la Reine à Saint-Cloud dont on sait seulement qu’ils étaient « très ornés9 ».

Sur les quatre dessins de la vente de 1925 conservés dans une collection particulière, deux portent en bas à droite la signature « auguste f. » d’une écriture correspondant à celle de Robert-Joseph Auguste. Représentant l’un un seau à bouteille et l’autre une verrière, ils étaient manifestement destinés à être mis sous les yeux de la clientèle car l’un et l’autre comportent deux propositions de décor numérotées « No 1 » ou « No 2 », moyen que les orfèvres utilisaient pour soumettre leurs propositions à leurs clients, notamment ceux qui étaient éloignés10. Offrant beaucoup de similitudes avec plusieurs des pièces exécutées par Auguste pour Catherine II de Russie, ces deux dessins pourraient avoir été réalisés pour répondre aux commandes de l’impératrice. Quoi qu’il en soit, le dessin du seau à bouteille a été suivi d’une réalisation comme le prouve une autre inscription portée en bas à droite : « 4 a ferre » [quatre à faire].

Cat. 13 : Seau à bouteille
Robert-Joseph Auguste (1723-1805)
Plume, encre noire et lavis sépia
H. 0,57 m ; L. 0,44 m (avec cadre)
Signé « auguste f. »
Collection particulière
© Suzanne Nagy



Ce dessin de seau à bouteille offre donc deux variantes (Cat. 13). Celle de gauche comporte en guise d’anse une tête de bouc à laquelle est attaché un pampre de vignes joignant un cartouche ovale disposé au centre de l’épaulement de l’objet. La partie inférieure est ornée de grandes feuilles d’ornement sur la moitié de la hauteur de l’objet. Le pied est orné d’un jeu de moulures. Quant à la partie droite, on retrouve une tête de bouc en guise d’anse mais son dessin (notamment le profil des cornes) est différent, ainsi qu’un pampre de vignes mais celui-ci descend jusqu’au milieu de la panse de l’objet. De ce fait, les feuilles d’ornement du bas de la panse sont moins grandes d’un tiers que celle de la partie gauche. Le jeu de mouluration du pied est moins élaboré que dans la partie gauche. La proposition de gauche se retrouve dans les seaux à bouteilles datés de 1776-1777 du service d’Ekaterinoslav (Fig. 3), ou encore sur les seaux (1779-1780) d’un service acheté par le comte de Povolide11. La proposition de droite a été appliquée dans les seaux du service de Nijni-Novgorod (1778-1779), seaux dont toutefois l’anse en tête de bélier correspond à la proposition de gauche (Fig. 4). Les têtes de bélier avec les cornes retournées comme sur la proposition de droite avaient déjà été employées par Auguste pour les seaux du comte d’Harcourt (1766-1767) et plus tard pour ceux du service de Kazan (1779-1780) (Fig. 5)12.

Fig. 3 : Seau à bouteille du service dit d’Ekaterinoslav, 1776-1777
Extrait de : Foelkersam, 1907, tome I, pl. 35
© Régine Soulier
Fig. 4 : Seau à bouteille du service dit de Nijni-Novgorod, 1778-1779
Extrait : Foelkersam, 1907, tome I, pl. 39
© Régine Soulier
Fig. 5 : Seau à bouteille du service dit de Kazan, 1779-1780
Extrait : Foelkersam, 1907, tome I, pl. 33
© Régine Soulier





Le dessin de verrière présente à gauche une moulure en feuilles de laurier surmontée d’un jeu de plastrons faisant office de bord échancré (Cat. 14). Concave et unie, la partie supérieure du corps est seulement agrémentée d’un tableau non saillant, alors que la partie inférieure convexe est ornée de godrons. Attachée à une rosace, l’anse est de forme courbe. La proposition de droite est bien différente puisque le corps est uni et renflé, orné en son milieu d’une guirlande de fleurs partant de l’anse et joignant le centre de l’objet. Les bords échancrés ne sont pas en forme de plastrons mais en forme de postes, et l’anse est en console. Enfin, le pied est orné d’une moulure de rais-de-cœur là où la proposition de droite ne comportait qu’un jeu de moulures. L’impératrice Catherine II semble avoir apprécié ces modèles qui se retrouvent avec de menues variantes dans les pièces du service dit d’Ekaterinoslav (proposition de gauche) et dans celui dit de Kazan (proposition de droite). Les deux propositions sont synthétisées dans les verrières du service dit de Nijni-Novgorod (Fig. 6).

Cat. 14 : Verrière
Robert-Joseph Auguste (1723-1805)
Plume, encre noire et lavis sépia
H. 0,58 m ; L. 0,44 m (avec cadre)
Signé « auguste f. »
Collection particulière
© Suzanne Nagy
Fig. 6 : Verrière du service dit de Nijni-Novgorod, 1778-1779
Extrait de : Foelkersam, 1907, I, pl. 33, 35 et 39
© Régine Soulier
















Cat. 15 : Saucière et son plateau
Atelier de Robert-Joseph Auguste (1723-1805)
Plume, encre noire et lavis sépia
H. 0,64 m ; L. 0,47 m (avec cadre)
Collection particulière
© Suzanne Nagy

Le dessin représentant une saucière vue en élévation, et son plateau vu en plan renvoie aux saucières exécutées par Auguste pour le service de George III (Cat. 15). L’orfèvre avait livré deux saucières de ce modèle qui fut repris par l’orfèvre hanovrien Frantz Peter Bundsen pour augmenter le service13. Parmi tous les dessins passés en vente en 1925, celui-ci est le seul à représenter fidèlement une œuvre d’Auguste. A-t-il été réalisé en vue de l’exécution des saucières ou bien d’après les objets achevés ? Il est pour l’instant difficile de le déterminer. L’objet est bien dans la manière de l’orfèvre, mêlant parties en ronde bosse et parties ciselées ou gravées. L’aile du plateau comporte une alternance de cannelures et de « soleils » souvent employée par l’orfèvre dans plusieurs services destinés aux cours de Russie, d’Angleterre et de France, par exemple.









Le dernier dessin d’un candélabre à quatre branches ne représente pas une œuvre d’Auguste connue (Cat. 16). Le modèle est particulièrement riche avec son fût formé de trois personnages féminins (les trois Grâces ?) tenant une guirlande de fleurs, son socle à jeu de moulures, postes et guirlandes de chêne, sa girandole surmontée de deux putti tenant la branche centrale ainsi que les branches en forme de console avec tête de bélier à l’épaulement, pommes de pin et guirlandes de chêne. Faisant largement appel à la sculpture, ce candélabre, et plus particulièrement le fût composé des trois personnages féminins tenant une guirlande de fleurs, n’est pas sans rappeler l’orfèvre François-Thomas Germain, notamment la pendule aux trois Grâces dont un exemplaire avait été livré pour madame Du Barry sur le modèle de cet orfèvre14. Il reste que l’œuvre est également dans l’esprit d’Auguste mais elle est d’une richesse qui ne correspond à aucune production de l’orfèvre, à la réserve des grands candélabres de presque un mètre de haut commandés par Catherine II de Russie15. La girandole est la partie de l’objet comportant le plus d’éléments liés à la manière d’Auguste. L’idée de disposer des putti en support de la branche centrale a été reprise mais avec un seul putto pour les candélabres du service de George III ou bien ceux destinés à Catherine II (Fig. 7)16. Sur ces derniers candélabres, les branches ne sont pas en forme de console alors que l’orfèvre avait déjà employé cette forme dans les années 1760 mais sans tête de bélier ni guirlande17. Il ressort donc que si l’objet dessiné comporte des traits caractéristiques d’Auguste, son aspect très sculptural est dans la tradition des grands orfèvres parisiens du XVIIIe siècle, montrant qu’Auguste était le digne héritier des Ballin, Besnier, Germain et Roëttiers.

Cat. 16 : Candélabre à quatre branches
Atelier de Robert-Joseph Auguste (1723-1805)
Plume, encre noire et lavis
H. 0,50 m ; L. 0,38 m (avec cadre)
Collection particulière
© Suzanne Nagy
Fig. 7 : Candélabres pour Catherine II de Russie
Extrait de : Foelkersam, 1907, I, pl. 36
© Régine Soulier























Yves Carlier est conservateur en chef du département des ressources documentaires du château de Versailles.

1Dessins, gouaches, aquarelles, miniatures, vente Hôtel Drouot, Paris, 4 avril 1925, p. 9-12, n° 38 à 57.

2Pour le service de Christian VII de Danemark, cat. exp. La Table d’un roi. L’orfèvrerie du XVIIIe siècle à la cour de Danemark, Paris, Musée des Arts Décoratifs, 1987-1988. Pour le service Soltikof, baron de Foelkersam, Inventaire de l’argenterie conservée dans les garde-meubles des palais impériaux…, Saint-Pétersbourg, 1907, t. II, p. 730-731.

3Cat. exp. Designing the Décor. French Drawings from the Eighteenth Century, Lisbonne, musée Calouste Gulbenkian, 2005-2006, n° 86, p. 232-235.

4Pour des objets de platerie proches, Gérard Mabille, Orfèvrerie française des XVIe, XVIIe, XVIIIe siècles. Catalogue raisonné des collections du Musée des Arts Décoratifs et du Musée Nissim de Camondo, Paris, Flammarion, 1984, n° 6, p. 16 ; Sotheby’s, Genève, 16 décembre 2005, n° 116.

5Album Maciet 376/1.

6Les Grands Orfèvres de Louis XIII à Charles X, Paris, 1965, p. 230.

7Pour le service de Moscou, Foelkersam, op. cit., p. 167-174. Pour celui de Cadaval, Christie’s, Genève, 11 novembre 1975, n° 209.

8Pour le service du comte de Blome, Sotheby’s, Monaco, 9 décembre 1990, n° 1341. Pour celui du comte de Creutz, exposition Le Soleil et l’Etoile du Nord, Paris, Galeries nationales du Grand Palais, 1994, p. 314-319. Pour celui de George III, Lorenz Seelig, « Das Silberservice König Georgs III von Robert-Joseph Auguste und Frants Peter Bundsen, zur Goldschmiedekunst des frühen Klassizismus in Paris, London und Hanover », Münchner Jarhbuch des bildenden Kunst, 2007, p. 141-206.

9Pour les services d’Auguste pour la Couronne, Yves Carlier, « L’orfèvrerie de table de Louis XVI », cat. exp. Versailles et les tables royales en Europe, Versailles, musée national du Château, 1993-1994, p. 106-109 et, Yves Carlier, « Marie-Antoinette et ses orfèvres », cat. exp. Les Atours de la Reine, Paris, Centre historique des Archives nationales, 2001, p. 45-55.

10C’est ce qu’il ressort de la correspondance entre un orfèvre parisien non identifié et les représentants de George III de Hanovre, Seelig, op. cit., p. 177.

11Leonor d’Orey, A Baixela da coroa portuguesa, Lisbonne, 1991, n° 40, p. 205.

12Sotheby’s, Londres, 10 juin 1993, n° 104.

13Seelig, op. cit., p. 156.

14Pierre Verlet, Les Bronzes dorés français du XVIIIe siècle, Paris, 1987, p. 279.

15Foelkersam, op. cit., pl. 36.

16Seelig, op. cit., p. 155.

17Des exemplaires de 1767-1768 au Metropolitan Museum de New York ; voir Faith Denis, Three Centuries of French Domestic Silver, New York, 1960, n° 14.

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