Dessiner le design

du 22 octobre 2009 au 10 janvier 2010

L’exposition Dessiner le design interroge le rôle du dessin manuel et numérique, dans le processus actuel du design à travers les projets de 12 des plus grands designers d’aujourd’hui. Près de 200 dessins sont présentés dans la nef des Arts Décoratifs dans une scénographie de François Bauchet. Les frères Bouroullec, Pierre Charpin, Marc Newson, Jasper Morrison, Konstantin Grcic, Naoto Fukasawa, Pierre Paulin, Mathieu Lehanneur, Laurent Massaloux, Benjamin Graindorge ou encore François Brument, ont été choisis pour leur pratique du dessin. L’exposition présente aussi bien leurs études préparatoires d’un projet, les dessins d’atmosphères, les recherches formelles, les dessins de communication, que leurs oeuvres les plus intimes. Il s’agit d’évoquer la place du geste dans la pensée d’un créateur, la naissance d’une idée et le début de ses développements mais aussi d’envisager le dessin comme un langage.

Dessiner à la main, à l’ordinateur, construire une maquette, sont autant de modes de représentation qui permettent au designer de passer de l’idée à la forme matérielle. Lorsque le discours oral produit des images mentales, le dessin, lui, permet de les visualiser.

Si le croquis matérialise une idée, il véhicule également une intention de désigner : il s’agit de faire reconnaître. Ce n’est cependant pas un vecteur de communication neutre, et les codes qui lui sont appliqués varient en fonction du destinataire. Les formes de représentation ne sont pas les mêmes s’il s’agit de dessins à usage personnel, support du développement de la pensée, de croquis de concept faits pour être partagés avec des assistants, ou encore des images de présentation soignées, destinées à présenter le projet au client.

Quoi qu’il en soit, l’ensemble de ce travail graphique nous intéresse, il est à la fois la mémoire des différentes étapes d’un projet, le témoignage du temps nécessaire à son élaboration et l’expression des choix qui interviennent comme des articulations essentielles au développement.

A propos du dessin, Roger de Piles dit, dans son Idée du peintre parfait (1699), que : « par rapport au Tableau dont il est l’Idée, ou par rapport à quelque Partie dont il est l’Etude, il mérite toujours l’attention des Curieux ». Par rapport à l’objet dont il est l’esquisse, le dessin de designer révèle, en effet, les intuitions et les intentions qui précèdent l’objet. L’observation d’un tracé qui se répète sur une même feuille, qui reprend appui sur lui-même pour opérer de légers décalages, jusqu’à ce que les proportions exactes soient trouvées, nous permet de sentir à quel point rien n’est gratuit dans la forme d’un objet, mais tout est au contraire le fruit d’un travail exigeant. Dans une perspective de conservation muséale, ces dessins contribuent bien souvent à une meilleure compréhension, des années, voire des siècles plus tard, des intentions ou des choix qui ont présidé à la conception d’un meuble ou d’un objet.

Comment l’arrivée de l’ordinateur dans l’univers du dessin a-t-il transformé son processus ?
Se perfectionnant sans cesse, les logiciels de dessin et de modélisation en trois dimensions se sont intégrés au processus antérieur. Ils n’ont pas remplacé les méthodes manuelles mais ils sont venus y ajouter de la complexité, offrir de la précision et permettre toutes sortes de vérifications. Ils ouvrent vers des possibilités de simulation dont on ose à peine encore imaginer l’étendue des enjeux.

Les designers exposés ici utilisent tous l’ensemble des outils qui sont aujourd’hui à leur disposition. Certains d’entre eux continuent à privilégier le dessin manuel comme médium de conception, comme par exemple Pierre Charpin, Benjamin Graindorge ou les frères Bouroullec. Pour ces derniers, le dessin peut être, à la fois, appliqué à une recherche précise dans le développement du projet, mais il peut également être plus libre et exprimer un univers personnel.

Il est alors « une forme de divagation », comme le dit Ronan Bouroullec, dont la finalité est le dessin même. Pour d’autres, comme Konstantin Grcic, le croquis est uniquement un outil qui aide à visualiser, à comprendre, à développer une forme. Pour Marc Newson, il sert avant-tout à cristalliser une idée, à la mémoriser. Son carnet de croquis est, pour lui, comme un carnet de notes. D’autres, comme Laurent Massaloux, initient et terminent le projet uniquement sur l’ordinateur : du début à la fin, tout le processus est enfermé dans la machine. Lors de la conception de la série Vanity Tidy, le designer s’inscrit dans un rapport exclusivement virtuel avec l’objet imaginé.

Si chacun a la liberté de puiser dans la diversité des outils existants, on observe cependant que l’essor du numérique engendre la possibilité et la naissance d’un type de design qui se désolidarise du dessin. Le travail de Mathieu Lehanneur en est un exemple. Il dit avoir une vision plus conceptuelle que formelle du projet. Il s’agit d’une projection mentale, pour laquelle il faudra imaginer une forme. La plupart de ses objets n’appartiennent à aucune catégorie existante et n’ont donc pas d’archétype formel auquel se référer. Andréa, comme d’autres de ses créations, génèrent ainsi une nouvelle typologie d’objets. François Brument est plus radical encore, puisqu’il substitue la programmation informatique au dessin. Pour lui, « le travail de designer est dans la conception du programme ». S’intéressant aux formes qui s’écrivent dans le temps, il élabore un système informatique qui, conjugué à une modélisation en 3D, permet la réalisation de formes et d’objets en constante évolution. Des vases au papier peint dans ce cas, le programme est l’œuvre.

Il s’agit ainsi, dans cette exposition, de témoigner d’un tournant important dans l’histoire du design. Les nouvelles technologies ont renouvelé le rôle du dessin manuel, en y ajoutant des perspectives inédites. Ces nouvelles méthodes ont-elles ouvert la porte vers de nouveaux vocabulaires formels, inventés par l’ordinateur, sont-elles en train de renouveler les objectifs du design ?

Un film d’entretien avec le designer Erwan Bouroullec explique quels sont, pour lui, les enjeux du dessin numérique.

Pour permettre la consultation des bornes audiovisuelles de l’exposition, des chaises de designers, dont les dessins de recherche sont présentés dans l’exposition, ont été prêtées par les maisons d’édition Magis, Kartell et Vitra.

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