Dessiner l’or et l’argent, Odiot orfèvre (1763-1850)

du 8 mars au 7 mai 2017

Jean-Baptiste-Claude Odiot a édifié, au cours du premier quart du XIXe siècle, la maison d’orfèvrerie française la plus prospère et la plus fréquentée par toutes les cours européennes de son temps. Livrant de somptueux services pour la table et des ensembles prestigieux comme la toilette de l’impératrice Marie-Louise et le berceau du Roi de Rome, Odiot est l’un des plus illustres orfèvres sous l’Empire et la Restauration.

Le Musée des Arts Décoratifs conserve un ensemble exceptionnel de 33 pièces d’orfèvrerie et de 176 dessins originaux de l’atelier d’Odiot classés œuvres d’intérêt patrimonial majeur. Depuis leur acquisition en 2009, les dessins sont dévoilés pour la première fois avec cette exposition qui confronte les œuvres graphiques aux objets d’art et révèle ainsi le processus de création et les recherches de l’orfèvre.

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Commissariat
• Audrey GAY-MAZUEL, Conservateur du patrimoine, Département XIXe siècle
assistée de Julie RUFFET-TROUSSARD, assistante de conservation, Département XIXe siècle

Scénographie
• Régine SOULIER

L’acquisition des dessins classés d’intérêt patrimonial majeur a été réalisée grâce au soutien du fonds du Patrimoine, de La Société Générale Immobilière (LSGI) et de Solanet S.A.S.   

Cette exposition a également bénéficié du soutien de Jean-Cyrille Boutmy, Galerie Kugel, Volker Wurster et Achim Neuse,
Roxane Rodriguez, Ludovica Rossi Purini, Sotheby’s, Olivier Trebosc, Charles-André de Walewski et Philippe Zoï.

Présentation

Provenant de l’atelier d’Odiot et classé œuvre d’intérêt patrimonial majeur par le ministère de la Culture, le fonds du Musée des Arts Décoratifs, d’une extrême rareté par son importance numérique et sa qualité d’exécution, constitue la première collection publique d’œuvres graphiques de l’orfèvre.

Datés du premier quart du XIXe siècle, ces dessins, d’une grande finesse d’exécution, sont réalisés au graphite ou à la plume, rehaussés de lavis d’encre, d’aquarelle ou de gouache. Représentant différents stades de la création, des premières esquisses aux projets d’exécution et aux dessins de présentation pour les clients, ils dévoilent les recherches d’un atelier d’orfèvrerie.

Vase pour une fontaine à thé, vers 1810
Vase pour une fontaine à thé, vers 1810
Charles-Jean-Alexandre Moreau (vers 1760-1840), inventeur du modèle
Auguste Garneray (1785-1824), dessinateur
Atelier de Jean-Baptiste-Claude Odiot
Graphite, plume et encre grise, lavis gris et sépia sur papier
© MAD, Paris

Sur des feuilles de parfois plus d’un mètre de haut sont figurées, à grandeur réelle, des pièces relevant du domaine des arts de la table, ainsi que des objets de toilette et de bureau. Cette variété typologique fait revivre le faste de la table et le raffinement de la toilette au début du XIXe siècle.

Les dessins proposent différentes versions d’un même modèle en déclinant les appliques d’ornement, les anses ou les prises. Au fil des feuilles prend forme un véritable répertoire ornemental devenu la signature d’Odiot, conjugué au gré des commandes avec régularité du début de l’Empire à la fin de la Restauration.

Vase modèle pour une fontaine à thé, Jean-Baptiste-Claude Odiot, vers 1819
Vase modèle pour une fontaine à thé, Jean-Baptiste-Claude Odiot, vers 1819
Vers 1802, création du modèle  ; laiton argenté par Christofle en 1907-1908
© MAD, Paris / photo : Jean Tholance

Seuls dix dessins du fonds sont signés et révèlent les noms des collaborateurs d’Odiot tels que les dessinateurs Auguste Garneray (1785-1824) et Adrien-Louis-Marie Cavelier (1785-1867), ou l’orfèvre Jacques-Henry Fauconnier (1779-1839).

Les dessins rendent également compte des services livrés pour les prestigieux commanditaires d’Odiot, comme l’impératrice Joséphine, Madame Mère, Jérôme de Westphalie, le comte Nicolas Demidoff et la comtesse Branicki.

Fontaines à thé, soupières, coupes, verrières, seaux à rafraîchir, huiliers, salières… Tout comme les dessins, les modèles en bronze relèvent de typologies variées. Les prises, les anses, les pieds et les appliques d’ornement sont prétexte à déployer un vocabulaire ornemental foisonnant issu de l’Antiquité. Autour de Bacchus et de son cortège, central dans l’iconographie des pièces et dessins d’Odiot, sont présents Hébé, Cérès, Léda, Vénus, Adonis, Flore ou encore des allégories de la Victoire. Choisis pour leur plasticité, les serpents, cygnes et autres sirènes prêtent leur souplesse et leur sinuosité au dessin des anses, tandis que les sphinges ailées monopodes et les griffes de lion constituent des motifs désignés pour former les pieds des pièces. Les frises ornant les panses sont peuplées de rinceaux habités de panthères ou de pampres alternant avec des roseaux, des épis de blé et des dauphins.

Donnés par Odiot lui-même à la chambre des Pairs en 1835 dans le but d’œuvrer à sa propre postérité mais également de servir son art en suscitant l’émulation chez ses successeurs, les 31 modèles connaissent une histoire complexe. D’abord exposés au musée du Luxembourg, consacré au XIXe siècle aux ouvrages de peinture et de sculpture des artistes vivants, ils gagnent dès 1852 les réserves du musée du Louvre où ils sont peu à peu oubliés.

 Soupière « femmes à genoux », atelier de Jean-Baptiste-Claude odiot, vers 1819
Soupière «  femmes à genoux  », atelier de Jean-Baptiste-Claude odiot, vers 1819
Graphite, plume et encre grise, lavis ocre sur papier
© MAD, Paris

Parallèlement, au cours de la seconde moitié du XIXe siècle, sont lancées des initiatives ayant pour objet la création d’un Musée des Arts Décoratifs. Le musée du « beau dans l’utile » voit le jour en 1882, avec pour but de favoriser les liens entre culture et industrie en offrant modèles et références aux ouvriers et artisans. Entre le vœu d’Odiot et le nouveau musée, la convergence est évidente. De fait en 1892 les modèles d’Odiot sont attribués à titre de dépôt au Musée des Arts Décoratifs.

En 1907, le Musée des Arts Décoratifs prend la décision de faire dorer et argenter les modèles en bronze. Réalisée par la maison Christofle en 1907-1908, cette opération devait conférer aux pièces l’aspect habituel de l’orfèvrerie. Elles sont définitivement portées sur l’inventaire du Musée des Arts Décoratifs en 2016.

Soupière « femmes à genoux », Jean-Baptiste-Claude odiot, vers 1819
Soupière «  femmes à genoux  », Jean-Baptiste-Claude odiot, vers 1819
Laiton argenté par Christofle en 1907-1908
© MAD, Paris / photo : Jean Tholance

Les modèles témoignent d’une grande finesse d’exécution. Les différents éléments, assemblés par un système de fixation à froid par vis et écrous, ont été ciselés afin de mettre en valeur le relief des ornements, tandis que les fonds amatis jouent du contraste entre les surfaces mates et brillantes. En bronze selon la terminologie employée par Odiot, les pièces sont en fait, comme l’indiquent de récentes analyses menées par le Centre de Recherche et de Restauration des Musées de France, exécutées en laiton.

La richesse du fonds Odiot du Musée des Arts Décoratifs réside dans la complémentarité entre les pièces d’orfèvrerie et les dessins conservés. Le dialogue entre les deux corpus permis par leur réunion au sein d’une même institution constitue une rare opportunité pour l’histoire des arts décoratifs.

L’exposition « Dessiner l’or et l’argent. Odiot orfèvre (1763-1850) » propose la confrontation inédite des projets dessinés et des pièces exécutées au sein de l’atelier de Jean-Baptiste-Claude Odiot. Une sélection de près de 100 dessins, présentés pour la première fois au public, sera mise en regard avec les 33 pièces d’orfèvrerie du musée, afin de dévoiler le processus créateur de l’orfèvre.

L’exposition est accompagnée d’un catalogue raisonné de la collection et d’une plateforme numérique interactive.

Plateforme numérique

Le Musée des Arts Décoratifs vous propose d’approcher au plus près de l’œuvre de Jean-Baptiste-Claude Odiot au moyen d’une plateforme numérique intuitive et ludique présentant ses collections numérisées. La confrontation des dessins et des objets, la présentation des ornements et des typologies mais aussi l’explication des techniques sont autant de clés de lecture ainsi mises à disposition du plus grand nombre.

L’arborescence se compose d’une page d’accueil suivie d’un menu présentant dix rubriques.

Regroupées en trois chapitres, « les œuvres », « l’atelier d’orfèvrerie » et « les collections », chacune de ces dix rubriques abrite sa propre galerie d’œuvres que le visiteur peut sélectionner et agrandir. Les pièces d’orfèvrerie apparaissent en 3D et peuvent être visionnés à 360° afin de percevoir l’œuvre sous toutes ses coutures.

La plateforme privilégie également l’interaction avec le public grâce aux multiples espaces de jeux déclinés en différentes formules.

« Jean-Baptiste-Claude Odiot (1763-1850). La construction d’un empire d’argent et de vermeil »
Par Audrey Gay-Mazuel

Extrait du catalogue.

De prestigieuses commandes sous l’Empire

Salière double « Adonis », Atelier de Jean-Baptiste-Claude Odiot, vers 1819
Salière double «  Adonis  », Atelier de Jean-Baptiste-Claude Odiot, vers 1819
Plume et encre grise, lavis ocre sur papier
© MAD, Paris

En octobre 1801, Odiot est chargé avec le joaillier Marie-Étienne Nitot d’exécuter l’épée consulaire de Bonaparte. Cette épée est par la suite utilisée lors de la cérémonie du sacre du 2 décembre 1804. La carrière de Jean-Baptiste-Claude Odiot est officiellement consacrée avec le succès qu’il rencontre à l’Exposition des produits de l’industrie de l’an X (1802), à laquelle participent pour la première fois des orfèvres. Le jury lui décerne, conjointement avec son confrère Henry Auguste, une médaille d’or : « L’élégance, la variété des formes, leur ensemble, le choix et la variété des ornemens, tout dans les vases du C.en [citoyen] Odiot a été dirigé et exécuté par le goût le plus pur et le plus délicat.1 » (…)

Salière double « Adonis », Jean-Baptiste-Claude Odiot, vers 1819
Salière double «  Adonis  », Jean-Baptiste-Claude Odiot, vers 1819
Laiton doré par Christofle en 1907-1908
© MAD, Paris / Jean Tholance

En 1810, à la demande du préfet de la Seine, Nicolas Frochot, Odiot réalise, avec le bronzier Pierre-Philippe Thomire, la toilette offerte à Marie-Louise par la Ville de Paris, à l’occasion de son mariage avec Napoléon. Ce somptueux mobilier en vermeil et en lapis-lazuli, exécuté d’après les dessins de Pierre-Paul Prud’hon, comprenait une grande psyché, une table de toilette avec deux candélabres, des vases, des coffres à bijoux, un fauteuil, un tabouret de pied et deux athéniennes. Fondu sur ordre de Marie-Louise en 1836 pour financer la lutte contre l’épidémie de choléra qui frappe la ville de Parme où elle vit alors, l’ensemble est connu grâce aux deux dessins de présentation à grandeur de la psyché et de la table signés d’Adrien-Louis-Marie Cavelier, ainsi que par le recueil de gravures édité par Pierron. L’année suivante, en 1811, il réalise avec Thomire, sur les dessins de Prud’hon, le berceau du roi de Rome offert par la Ville de Paris pour la naissance de l’héritier impérial. (…)

Au service d’une riche clientèle française et européenne

Les deux livres-journaux couvrant la période du 2 novembre 1814 au 16 décembre 1819 révèlent l’ampleur de la clientèle de Jean-Baptiste-Claude Odiot, qui ne cesse de s’accroître sous la Restauration. L’orfèvre s’assure des clients réguliers parmi les grandes familles françaises et européennes. Les registres renferment les noms des personnalités politiques et mondaines les plus en vue de la période. Ces riches clients apparaissent, sur plusieurs années, pour commander des grands services de table, mais aussi parfois plus simplement pour faire redorer ou réparer des pièces.

1Exposition publique des produits de l’industrie française. Procès-verbal des opérations du jury, Paris, Imprimerie de la République, vendémiaire an XI [1802], p. 65.

« De bronze, d’argent et d’or. Le fonds d’orfèvrerie Odiot du Musée des Arts Décoratifs »
Par Julie Ruffet-Troussard

Extrait du catalogue.

Le Musée des Arts Décoratifs conserve aujourd’hui trente-trois pièces d’orfèvrerie – parmi lesquelles trente et un modèles en bronze – issues de l’atelier de Jean-Baptiste-Claude Odiot. Les modèles ont connu diverses affectations et suscité force débats depuis le don de l’orfèvre en 1835 jusqu’à leur reversement à l’inventaire du musée en 2016. Retracer leur historique pose la question de la place des arts décoratifs au sein des institutions muséales.

« Ces bronzes […] deviendront les élémens d’une collection précieuse pour l’histoire de l’art1 »

{Bout de table no 17}, Atelier de Jean-Baptiste-Claude Odiot, vers 1819
Bout de table no 17, Atelier de Jean-Baptiste-Claude Odiot, vers 1819
Graphite, plume et encre grise, lavis ocre sur papier
© MAD, Paris

Lors de l’Exposition des produits de l’industrie de 1819, Jean-Baptiste-Claude Odiot présente des « modèles en bronze » qu’il projette d’offrir à l’État. Rien ne nous renseigne sur les conditions de fabrication de ces modèles. Ont-ils été exécutés avec pour seule fin une donation ou s’agit-il de prototypes pour la réalisation de pièces en argent ? Qualifiés de « pièces en bronze2 » par Odiot lui-même, ces modèles sont en fait, comme le révèlent de récentes analyses du Centre de recherche et de restauration des musées de France, exécutés en laiton. Ils témoignent d’une grande finesse d’exécution, le travail de ce métal nécessitant la même technicité que celui de l’argent ou du vermeil. Les éléments ont été ciselés afin de mettre en valeur le relief des ornements, tandis que les fonds amatis jouent du contraste entre surfaces mates et brillantes.

Salière double « dauphins », Jean-Baptiste-Claude Odiot, vers 1819
Salière double «  dauphins  », Jean-Baptiste-Claude Odiot, vers 1819
Laiton doré par Christofle en 1907-1908
© MAD, Paris / Jean Tholance

Dans une lettre du 6 août 1819 adressée au ministre de l’Intérieur, le comte Élie Decazes, Odiot indique avoir pensé « qu’il serait bien de laisser à la postérité la copie exacte des principales pièces d’orfèvrerie qui [lui] ont valu les éloges les plus satisfaisants3 »). Il propose donc de faire don au gouvernement de neuf pièces, la jouissance de celles-ci devant lui revenir après le décès de l’orfèvre. Cette démarche doit, selon Odiot, servir « à faire des comparaisons avec les ouvrages d’orfèvrerie qui se feront par la suite afin de juger les progrès de cet art et le goût des temps4 ». La volonté d’Odiot est double, œuvrer à sa propre postérité et servir son art en suscitant l’émulation chez ses successeurs. (…)

« Les arts industriels n’avaient pas encore forcé les portes de notre grand Musée National5 »

L’itinérance des modèles d’Odiot au fil du XIXe siècle est le reflet d’une légitimité muséale à conquérir. (…)

La présence des modèles au Louvre est attestée dès 1857 par un échange épistolaire6 entre le comte de Nieuwerkerke, directeur des Musées impériaux, et A. Odiot7. Par une lettre du 10 mars 1857, A. Odiot s’enquiert du nouveau lieu de conservation des modèles d’orfèvrerie donnés par son père Jean-Baptiste-Claude Odiot. La réponse nous apprend qu’ils « sont maintenant emmagasinés au Louvre où ils sont conservés avec le plus grand soin en attendant qu’ils reçoivent une destination définitive8 ». Le 23 mars 1857, A. Odiot rappelle au comte de Nieuwerkerke que par le don de ses modèles, son père « a voulu aider les orfèvres venant après lui à maintenir la supériorité de la France dans cet art de l’orfèvrerie que l’Europe nous envie. Il est donc indispensable pour atteindre ce but que [ses] œuvres […] soient exposées dans un endroit public et spécial9 ». Selon A. Odiot, les modèles trouveraient leur place « dans l’une des vitrines de la galerie qui touche au salon carré » du Louvre. Au descendant soucieux de faire respecter la volonté de son père, le directeur des Musées impériaux répond ne pouvoir s’engager quant à « la destination à affecter à ces objets ».

Seau « anses satyres » Jean-Baptiste-Claude Odiot, vers 1819-1823
Seau «  anses satyres  » Jean-Baptiste-Claude Odiot, vers 1819-1823
Laiton argenté par Christofle en 1907-1908
© MAD, Paris / Jean Tholance

Et pour cause, aucun lieu n’étant dédié à l’exposition des arts décoratifs, cette destination n’existe pas encore en 1857. Si le Louvre enrichit sa collection d’objets d’art au XIXe siècle, la présence de l’orfèvrerie contemporaine y demeure timide10. Il faut attendre 1905 et l’ouverture, dans le pavillon de Marsan du palais du Louvre, du Musée des Arts Décoratifs pour voir les modèles d’Odiot exposés à nouveau.

1Louis-Sébastien Le Normand et Jean-Gabriel-Victor de Moléon, Description des expositions des produits de l’industrie française, faites à Paris depuis leur origine jusqu’à celle de 1819 inclusivement, Paris, Bachelier, 1824, p. 281.

2Lettre de Jean-Baptiste-Claude Odiot adressée au ministre de l’Intérieur, 9 août 1819. Pierrefitte-sur-Seine, AN, F12/2265.

3Ibid.

4Ibid.

5Henri Bouilhet, Orfèvreries de style Empire exécutées par Claude Odiot orfèvre, Paris, Librairie centrale des Beaux-Arts, 1909, p. 6.

6AN, 20144787/12.

7Il s’agit de l’un des enfants de Jean-Baptiste-Claude Odiot, Adèle-Cornélie, Achille-Prosper ou Alphonse-Louis.

8AN, 20144787/12.

9Ibid

10Anne Dion-Tenenbaum, Orfèvrerie française du XIXe siècle. La collection du musée du Louvre, Paris, Somogy / musée du Louvre, 2011.p. 9-11. Odiot est toutefois présent dans les collections du Louvre dès 1829, pour la fonte de la statue d’Henri IV d’après un modèle de François-Joseph Bosio (inv. CC 37).

« Un exceptionnel portefeuille de modèles pour l’orfèvrerie. Les dessins d’Odiot du Musée des Arts Décoratifs »
Par Audrey Gay-Mazuel

Extrait du catalogue.

Récurrence et permanence des formes et des décors

Durant toute sa carrière, Odiot agence sur ses pièces, grâce à la technique du montage à froid, des ornements reconnaissables qui constituent sa marque. Répondant au goût de son époque, il développe un vocabulaire issu de l’Antiquité. À l’instar des modèles en bronze aujourd’hui conservés au Musée des Arts Décoratifs, les dessins de son atelier auraient pu être qualifiés en leur temps de « chefs d’œuvre de tout ce que l’antiquité nous a laissé de plus pur et de plus parfait.1 » (…)

Ces éléments sont issus du répertoire ornemental de la sculpture et de l’architecture grecque et romaine, diffusé par les recueils gravés depuis le XVIe siècle. Si certaines sources sont facilement identifiables – comme celle de la frise des danseuses Borghèse reprise du bas-relief du sarcophage néo-attique entré au Louvre en 1807 –, la plupart des motifs déclinés sur les dessins de l’atelier d’Odiot réinterprètent les modèles diffusés dans Le Traité des pierres gravées de Mariette, Le Voyage de Naples et de Sicile de l’abbé Saint-Non, et les recueils d’ornements plus contemporains de Durand, de Moreau, de Beauvallet, de Percier et Fontaine. Même lorsque les dessins sont repris par différentes mains, le modèle n’est que rarement modifié.

Milieu de surtout Zéphyr, Flore et Pomone, attribué à Adrien-Louis-Marie, Cavelier, dessinateur, Atelier de Jean-Baptiste-Claude Odiot, vers 1815
Milieu de surtout Zéphyr, Flore et Pomone, attribué à Adrien-Louis-Marie, Cavelier, dessinateur, Atelier de Jean-Baptiste-Claude Odiot, vers 1815
Graphite, plume et encre grise, lavis ocre, aquarelle sur papier
© MAD, Paris

Typologies et attributions des dessins

À la différence des dessins d’atelier d’orfèvrerie des XVIIe et XVIIIe siècles, généralement exécutés à la sanguine ou à la pierre noire, le fonds d’atelier de Jean-Baptiste-Claude Odiot est constitué de grands dessins à la plume sur papier blanc, souvent enrichis de lavis gris ou ocre. Délayées dans de l’eau, les encres noires, brunes ou jaunes, sont travaillées au pinceau et créent, selon les charges de pigments, de subtils jeux d’ombre et de lumière qui transcrivent le modelé de la pièce et l’éclat métallique de ses surfaces. La technique du lavis, adoptée par les ateliers d’orfèvrerie et les architectes dès la fin du XVIIIe siècle, est enseignée dans les écoles de dessin au début du XIXe siècle.

Les dessins lavés de la collection du Musée des Arts Décoratifs, dont certains sont signés d’Auguste Garneray, révèlent une sûre maîtrise de cette technique et de ses effets.

Salière double « femmes debout », Jean-Baptiste-Claude Odiot, vers 1819
Salière double «  femmes debout  », Jean-Baptiste-Claude Odiot, vers 1819
Laiton doré par Christofle en 1907-1908
© MAD, Paris / Jean Tholance

Les pièces d’orfèvrerie sont le plus souvent dessinées en élévation et à l’échelle de la pièce, ce qui explique l’absence de mesures portées sur les feuilles. Rares sont les vues en plan ou en coupe. Les dessins lavés ont vocation à être soumis au client. Un grand nombre de dessins du fonds sont également exécutés à la plume et à l’encre noire, sans lavis. N’offrant ni le fini ni les détails d’ornements des dessins lavés, ils figurent des projets à différentes étapes de leur élaboration au sein de l’atelier, depuis les premières recherches jusqu’à la mise au net pour exécution. Témoignant des processus de validations internes à l’atelier d’orfèvrerie, certains dessins sont ainsi parfois copiés et repris, avec de légers changements, par des mains variées et plus ou moins habiles. Les dessins réduits de moitié ou au quart par rapport à la taille de la pièce ont probablement été réalisés pour la gravure ou pour garder la mémoire des différents modèles. Enfin, le fonds du Musée des Arts Décoratifs recèle de rares dessins d’ébauches, exécutés au crayon graphite. De nombreux dessins sont annotés du nom de leur typologie et d’un numéro, sans doute de série ou de service, qu’il est désormais impossible à identifier. Certains dessins comportent aussi des inscriptions indiquant la façon, la dédicace du projet ou le prix d’exécution de la pièce. La mention « approuvé » apparaît sur six dessins du fonds. On y reconnaît, à partir des documents manuscrits conservés, la graphie d’Odiot qui valide ici le modèle dessiné ou rapporte celle du commanditaire. Seuls dix dessins de la collection du Musée des Arts Décoratifs sont signés : sept par Garneray, deux par Cavelier, un par Fauconnier. Un seul dessin est signé de la main de l’orfèvre : « Odiot, orfèvre à Paris2 ».

1Louis-Étienne-François Héricart-Ferrand de Thury, Rapport du jury d’admission des produits de l’industrie du Département de la Seine, Paris, C. Ballard, 1819, p. 92.

2Cat. 101.

Le catalogue
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