Décors à vivre : Les Arts Décoratifs accueillent AD Intérieurs 2014

du 6 septembre au 23 novembre 2014

Pour sa cinquième édition, la manifestation organisée par le magazine AD donne carte blanche à 16 décorateurs qui chacun conçoit une pièce a vivre autour d’une œuvre de son choix sélectionnée dans les réserves du Musée des Arts Décoratifs.

C’est l’occasion pour le public de découvrir des objets d’art rarement présentés, mais aussi de déambuler dans des décors qu’ils ne peuvent le plus souvent découvrir que dans les pages du magazine. Il n’est en effet pas demandé à ces décorateurs, aux sensibilités et aux styles variés, de se conformer aux exigences scénographiques habituelles du musée, mais au contraire de concevoir de véritables pièces à vivre – dressing, bureau, boudoir, etc – dans les galeries latérales de la nef. Ce dispositif inédit a pour ambition de capter l’esprit du moment et de proposer des visions prospectives de la maison.

Les projets visent à ériger l’art de vivre à son niveau le plus élevé, en faisant appel au savoir-faire des meilleurs artisans, rejoignant ainsi le principe fondamental du MAD, la réalisation du beau dans l’utile. C’est une nouvelle occasion pour le musée de perpétuer l’étroite collaboration qu’il entretient avec les décorateurs, architectes d’intérieur et designers. Une tradition inscrite dans l’histoire de l’institution depuis sa fondation.

Ces espaces renouent avec la grande tradition française de la décoration.

Les 16 décorateurs invités par le magazine AD sont, dans l’ordre alphabétique :

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Commissariat
• Olivier GABET, Directeur des musées du MAD
• Marie KALT, Rédactrice en chef du magazine AD

Scénographie
• Adrien GARDÈRE

EXPOSITION CONÇUE ET PRODUITE
PAR LES ARTSCORATIFS ET /AD/

AVEC LE MÉCÉNAT DE
TRIS, AXA ART, SOCIÉTÉ CHAMPAGNE PERRIER-JOUËT MÉCÉNAT, SIKKENS

ET LE SOUTIEN DE
FENDI, ARTCURIAL, BOUYGUES, EMERIGE, ORANGE

Le dressing d’un dandy de Tristan Auer

Le décorateur

Néoclassique dans son style mais conceptuel par son approche, Tristan Auer développe des espaces rigoureusement dessinés, relevés de détails malicieux. Cet ancien élève de l’Ésag Penninghen fit ses débuts auprès de Christian Liaigre et Philippe Starck avant de fonder son agence Izeu en 2002. Il enchaîne depuis les agencements d’intérieurs privés, boutiques et hôtels. Il participe actuellement au chantier de réhabilitation du Crillon, place de la Concorde à Paris, et s’emploie à métamorphoser le mythique club parisien Les Bains Douches en hôtel.

La pièce du musée

Michel Boyer, Lustre Monumental, 1972
Michel Boyer, Lustre Monumental, 1972
© MAD, Paris / photo : Jean Tholance

Tristan Auer a sélectionné un lustre monumental, en acier poli, métal laqué, néon et verre, créé en 1972 par le designer et architecte d’intérieur Michel Boyer (1935-2011), réputé pour ses aménagements de sièges sociaux, boutiques de luxe, hôtels et ambassades. L’objet a été donné au MAD par Françoise Zanetti, Jacqueline Martin et Marie-Lise Bensaba en 2013.

Le décor à vivre

Cerné de miroirs, placé au centre du dressing, le luminaire structure l’espace. Ses néons éclairent quatre niches, dédiées aux différentes panoplies de la journée d’un homme. Costumes, vestiaire casual, tenues du soir, à chaque alcôve son style, symbolisé par un revêtement mural, une couleur et un motif. Le dernier corner est consacré aux souliers et accessoires de cirage.

Le salon de lecture de Bismut & Bismut

Les décorateurs

Tous deux architectes, Michel et Daniel Bismut tendent à simplifier le vocabulaire de cette discipline. Les deux frères créent des intérieurs aux lignes nettes, modulés par des jeux de lumière, des aplats de couleurs tranchées et des circulations fluides. Depuis l’ouverture de leur agence Bismut & Bismut en 1985, ils dessinent à quatre mains demeures privées, bureaux, boutiques et même ambassades. Ils éditent également un mobilier ultragraphique, faisant la part belle à l’acier.

La pièce du musée

Les décorateurs ont décidé de mettre en scène un bureau à battant, avec porte-document, en laiton et simili cuir, créé dans les années 1950 par le décorateur néoclassique Jacques Adnet (1900-1984). Un achat des Arts Décoratifs à la Galerie Yves et Victor Gastou en 2010.

Le décor à vivre

Jacques Adnet, Bureau et siège, vers 1950
Jacques Adnet, Bureau et siège, vers 1950
MAD, Paris
© ADAGP

Ils placent l’écritoire devant une spectaculaire cheminée en marbre ciselé de volutes cinétiques – une performance technique rendue possible par l’emploi d’outils informatiques empruntés à l’aéronautique. Ce monumental âtre rétro-éclairé se prolonge par deux amples bibliothèques arrondies en métal qui calfeutrent l’espace pour plus d’intimité. De l’autre côté de la pièce, une ample banquette est dédiée à la lecture. Michel et Daniel Bismut définissent un espace tout en tensions, tranchant dans ses lignes, doux par ses matériaux et coloris.

Le piano-bar à vin du cabinet Alberto Pinto

La décoratrice

Fondé par Alberto Pinto (1945-2012) en 1970, le Cabinet Alberto Pinto est aujourd’hui dirigé par sa sœur Linda. Entourée de 60 collaborateurs répartis en différents secteurs – résidentiel, bureaux, yachts ou jets privés –, elle s’emploie à répondre aux demandes les plus folles sur des chantiers toujours d’envergure. Large est la palette stylistique de l’agence, allant du plus contemporain au style orientaliste en passant par le grand classicisme à la française. Elle finalise actuellement la restauration de l’Hôtel Lambert, célèbre hôtel particulier de la pointe de l’île Saint-Louis, à Paris.

La pièce du musée

Linda Pinto a choisi un guéridon Onirique en laiton doré et cristal de roche créé à la fin des années 1960 par Philippe Hiquily (1925-2013). L’objet a été donné au MAD par Henri Lanzenberg et Édouard Samuel en 1997.

Le décor à vivre

Philippe Hiquily, Guéridon Onirique, fin des années 1960
Philippe Hiquily, Guéridon Onirique, fin des années 1960
MAD, Paris
© ADAGP

Un meuble hybride doté d’un clavier, d’un côté, et, de l’autre, faisant office de bar, définit l’atmosphère hédoniste de l’espace. La nuance Blue Note des parois en stuc et pâte de verre insuffle une ambiance jazzy au lieu. Le mur de bouteilles étiquetées des châteaux Cheval Blanc, Angélus et Pavie, comme la banquette recouverte de liège ou le dessin façon cerclage de tonneau de la porte d’entrée, renvoie à l’univers des grands crus classés. Des accords entre musicologie et œnologie.

Le salon mis en caisse de Vincent Darré

Le décorateur

Autant qu’à l’école de stylisme, le Studio Berçot, le jour durant, c’est dans les nuits du Palace que Vincent Darré fit ses classes dans les années 1980. Ce talent à être partout à la fois n’a jamais quitté celui qui fut successivement – et parfois simultanément – créateur de mode, illustrateur, costumier de cinéma, directeur artistique de magazine et décorateur. Il édite depuis 2008, sous la griffe Maison Darré, un mobilier d’inspiration dadaïste et agence des lieux festifs comme le Montana, night-club parisien inauguré en 2009.

Les pièces du musée

Arman, Sculpture Accumulation renault n° 180, 1972
La fantaisie de la sculpture-assemblage Accumulation Renault n° 180, combinaison de collecteurs d’échappement, de l’artiste franco-américain Arman (1928-2005), pionnier dans le détournement d’objets manufacturés, a retenu l’attention de Vincent Darré. L’œuvre fut donnée par Arman au MAD l’année même de sa création en 1972.

Trumeau de glace, France, vers 1720
Depuis le règne de Louis XIV, les murs des hôtels particuliers se couvrent de boiseries. Généralement de chêne, les plus riches sont peintes et dorées mais peuvent être polychromes et ornées d’un décor à sujet mythologique, champêtre ou symbolique. Au-dessus de la cheminée le panneau, ou trumeau, d’abord orné d’une peinture reçoit une glace à mesure qu’on en maîtrisera la fabrication. Pour s’adapter au goût nouveau celui-ci datant de la Régence a probablement été décapé à une date ultérieure.

Le décor à vivre

L’accès se fait par une porte de chantier donnant sur un salon aux murs recouverts de planches de pin brut. Dans cette caisse géante sont entreposés l’œuvre d’Arman, restée dans son coffre de protection en bois, ainsi que des miroirs anciens, eux aussi emballés, et détournés en consoles. Plus surréalistes encore, canapés, fauteuils et tableaux décoratifs reprennent les formes molles chères à Dalí. Que dire des lampadaires œil ou bouche ? Ils parachèvent le charme loufoque des lieux.

Le cabinet onirique de Noé Duchaufour-Lawrance

Le décorateur

Designer avant tout, il crée des meubles édités par Cinna, Ceccotti Collezioni ou La Chance. On lui doit le flacon de parfum One Million de Paco Rabanne. Mais Noé Duchaufour-Lawrance agence aussi des lieux : à peine sorti de l’école des Arts Décoratifs, en 2002, il signait déjà l’architecture intérieure du restaurant Sketch à Londres, devenu culte depuis. Suivirent, en 2007, le décor de celui du Senderens, place de la Madeleine à Paris, ou, en 2012, le lounge Air France de l’aéroport Charles-de-Gaulle. Cohérent, il envisage les objets comme il conçoit ses espaces : tout en courbes, doux et sensuels, dans une approche organique.

La pièce du musée

Georges de Feure, vitrine, vers 1900
Georges de Feure, vitrine, vers 1900
© MAD, Paris / photo : Jean Tholance

Les lignes fluides de la vitrine en bois sculpté de fleurs stylisées, de style Art nouveau, dessinée vers 1900 par l’artiste, affichiste et décorateur Georges de Feure (1868-1943) ne pouvait que séduire Noé Duchaufour-Lawrance.

La pièce à vivre

Le décorateur place une sculpture évoquant des courbes féminines dans la vitrine. Une chaise longue, sur un podium, invite à la contemplation de l’œuvre. Tels des pétales, des paravents de plâtre disposés tout autour de la pièce composent un cocon intimiste. Nous sommes dans un cabinet de curiosités sensuel autant que conceptuel.

Le bureau en duo de Gilles & Boissier

Les décorateurs

Associés depuis 2004, Patrick Gilles et Dorothée Boissier se sont rencontrés à leurs débuts chez Christian Liaigre. Ils enchaînent depuis les chantiers de prestige comme le restaurant Mini Palais, dans le Grand Palais, à Paris, ouvert en 2010, et ils inaugureront en décembre prochain un hôtel pour Baccarat à New York. Définissant une nouvelle élégance française, le couple conçoit des décors néoclassiques ponctués d’interventions artistiques. Des réalisations épurées quand il s’agit d’intérieurs privés, plus pop pour ce qui est des lieux publics.

La pièce du musée

Paire de vitrines dites « Fleuves », vers 1860
Paire de vitrines dites «  Fleuves  », vers 1860
© MAD, Paris / photo : Jean Tholance

Le style néoclassique d’une paire de vitrines basses en acajou et bronze, surmontées de sculptures en marbre représentant des allégories du Nil et du Tibre, datant des années 1860, a retenu l’attention des décorateurs.

La pièce à vivre

L’une des vitrines, placée dans l’entrée, présente une collection d’objets rigoristes, l’autre, située en face, des curiosités fantasques et colorées. La rencontre de ces deux univers, l’un masculin, l’autre féminin, culmine dans la pièce principale. Livres, cahiers et sculptures méticuleusement disposés sur une banquette courant le long des murs évoquent l’espace de travail d’un homme. Placée au milieu de la pièce, une cabane recouverte de cuir, agrémentée d’un bureau tendu de crocodile, incarne l’univers d’une femme fantasque. Cet intérieur deux-en-un symbolise la collaboration entre Patrick Gilles et Dorothée Boissier.

Le pavillon chinois de François-Joseph Graf pour Fendi

Le décorateur

Ce fils d’antiquaire, ancien élève des Beaux-Arts section architecture et diplômé de l’École du Louvre, fit ses débuts au château de Versailles. Il œuvra à l’aménagement de period rooms, reconstitution in situ de pièces avec leur mobilier d’époque, au Musée des Arts Décoratifs lors de sa réouverture en 2006. S’il suit des chantiers liés aux Monuments historiques et livre des décors d’époque pour une clientèle privée, François-Joseph Graf conçoit également des agencements contemporains où moulures, tissus et tapis déclinent une seule et même histoire.

Les pièces du musée

Vase et brûle-parfum, Dynastie des Yuan ou des Ming, 2de moitié du XIVe siècle
Vase et brûle-parfum, Dynastie des Yuan ou des Ming, 2de moitié du XIVe siècle
© MAD, Paris / photo : Jean Tholance

Le décorateur a sélectionné une collection d’objets ornés d’émaux cloisonnés chinois des périodes Yuan, Ming ou Qing, provenant de la donation de David David-Weill en 1923 au Musée des Arts Décoratifs et du legs de la baronne Salomon de Rothschild au Louvre en 1922.

Le décor à vivre

Encastrés dans les murs et rétro-éclairés, les précieux vases, jardinières et potiches servent de décor à un salon rigoureusement architecturé. Au sein de cet intérieur chinoisant et bleuté, François-Joseph Graf dispose un mobilier structuré, animé de graphismes gravés à même le bois ou imprimés sur des galettes mêlant calligraphie orientale et motifs propres à l’univers Fendi comme les rayures Péquin.

Le bureau présidentiel de Chahan Minassian

Le décorateur

Libanais de naissance, d’origine arménienne, Parisien d’adoption, Chahan Minassian fit ses débuts chez Ralph Lauren avant de monter son cabinet d’architecture Chahan Interior Design en 1993. Son style cosmopolite résulte d’un métissage entre haute décoration à la française, glamour et confort à l’américaine et sens du raffinement tout oriental. Ses harmonies douces et feutrées ont séduit l’Hôtel de Crillon : le décorateur participe au renouveau du palace de la place de la Concorde.

La pièce du musée

Le travail sur les pales de réacteur d’avion en acier inoxydable, soudées les unes aux autres, d’un bureau recouvert de verre fumé, réalisé en 1966 par le sculpteur César (1921-1998) a inspiré Chahan Minassian. L’œuvre fut donnée au MAD par Marcel Lefranc en 1992.

Le décor à vivre

Miroirs patinés encadrés par des arcs de triomphe aux murs, fauteuil-trône derrière le bureau, collection d’épées encastrées dans des parois en Plexiglas, tout ici évoque force, pouvoir et prestige. Les tonalités bronze, or et argent célèbrent la réussite mais, douces et chatoyantes, elles apaisent également. Aussi spectaculaire soit-il, ce décor est néanmoins convivial puisque les visiteurs, reçus en audience, sont invités à prendre place sur d’accueillantes banquettes.

L’antichambre d’un Latin Lover de Luis Laplace

Le décorateur

Passé maître de l’accrochage d’œuvres contemporaines mêlées à du mobilier vintage dans des espaces modernistes, Luis Laplace conçoit des lieux à l’élégance intemporelle. Basé depuis 2004 à Paris, cet Argentin, installé un temps à New York, compose depuis près de dix ans des intérieurs pour les plus grands noms de l’art contemporain, qu’il s’agisse de l’artiste américaine Cindy Sherman ou du galeriste parisien Emmanuel Perrotin.

La pièce du musée

Clément Mère, Bureau à gradins, vers 1923
Clément Mère, Bureau à gradins, vers 1923
© MAD / Photo : Jean Tholance

Le petit bureau à gradins en ébène de Macassar et cuir repoussé, créé en 1923 par Clément Mère (1861-1940), retient l’attention de Luis Laplace par sa forme sobre et ses lignes droites rehaussées de détails raffinés. L’objet fut donné au MAD par les héritiers de Robert de Rothschild en 1966.

Le décor à vivre

En hommage au style de vie jet-set de Porfirio Rubirosa (1909-1965), playboy d’après-guerre d’origine dominicaine, Luis Laplace imagine un espace masculin aux tonalités profondes. Murs rose poudré, moquette bleu pétrole et banquette en velours rouge insufflent une douce volupté à cette garçonnière assez stricte. Quelques meubles choisis, dont le précieux bureau, une penderie italienne des années 1950 ou un fauteuil de Mathieu Matégot, dialoguent avec des œuvres d’art contemporain. Nous sommes dans l’antre d’un séducteur d’aujourd’hui.

Le cabinet d’une élégante par Caroline Sarkozy et Laurent Bourgois

Les décorateurs

L’une est décoratrice, formée à la Parsons et chez Andrée Putman, l’autre architecte, diplômé des Beaux-Arts de Paris, qui fit ses classes chez Jacques Grange et Alain Demachy. Elle aime les jeux de textures, les vibrations de couleurs, les intérieurs empreints de douceur ; il avoue un faible pour les matériaux bruts. Ils collaboraient ponctuellement sur des projets, depuis une dizaine d’années, liés par un goût partagé des lignes tendues et des formes nettes, le plaisir d’échanger également. Voici qu’ils fusionnent leurs agences.

La pièce du musée

Canapé de Marie-Antoinette, vers 1775-1780
Canapé de Marie-Antoinette, vers 1775-1780
© MAD / Photo : Jean Tholance

Les décorateurs posent un regard contemporain sur une banquette en bois doré sculptée d’arcs, de flèches, de rubans et de feuillages, réalisée vers 1775-1780 probablement pour le théâtre de Marie-Antoinette au Petit Trianon. Cette assise a été léguée au MAD par George Heime en 1929.

Le décor à vivre

Quelle allure aurait aujourd’hui l’intérieur de la dernière reine de France ? À cette question, le duo répond par un espace néoclassique dans son architecture mais résolument contemporain dans son agencement. Une galerie d’entrée présente une collection de céramiques modernes. Dans la pièce principale, la banquette historique est confrontée à des créations insolites : tabourets en verre, cabinet recouvert de paille, table en plâtre. Tout se fond pourtant en douceur dans des tonalités de blanc. Les murs ornés de plaquages de feuilles, de peinture façon faux bois clair ou de miroirs déformants soulignent le raffinement du propos.

Le bar-bibliothèque d’Isabelle Stanislas

La décoratrice

Si elle privilégie le blanc dans ses chantiers, c’est pour mieux jouer sur les volumes, mettre en valeur les contrastes entre matières brutes et sophistiquées et laisser la lumière s’exprimer. Diplômée en architecture aux Beaux-Arts en 1999, Isabelle Stanislas doit le succès de son agence So-An, lancée en 2003, à son talent pour moderniser les appartements haussmanniens autant qu’aux nombreuses ouvertures de boutiques minimalistes qu’elle réalise pour Zadig & Voltaire.

La pièce du musée

Coffre sarcophage, venise, première moitié du XVIe siècle
Coffre sarcophage, venise, première moitié du XVIe siècle
© MAD / Photo : Jean Tholance

Le mélange d’austérité et de luxuriance d’un coffre en bois et stuc doré vénitien de la première moitié du XVIe siècle a retenu l’attention d’Isabelle Stanislas. L’objet fut donné au MAD par Henri Lahens en 1914.

Le décor à vivre

Les étagères d’une bibliothèque courant sur les murs de la pièce accueillent pêle-mêle objets anciens, livres et bouteilles. Le calepinage en diagonale au sol organise l’espace. Viennent s’y aligner un bar faisant également office de cabine pour DJ, une banquette suspendue et un canapé se prolongeant en tablette pour poser verre, livre ou ordinateur. Ces meubles malicieusement pensés sont traités en laiton, onyx ou bronze aux chaudes tonalités.

Le salon facetté de Pierre Yovanovitch

Le décorateur

Après avoir œuvré dans l’univers de la mode, Pierre Yovanovitch monte son agence d’architecture intérieure en 2002. Réputé pour ses agencements forts et sobres à la fois, il livre principalement des chantiers privés qu’il architecture avec rigueur et réchauffe par un choix de matériaux nobles – bois, pierre, métal – et de douces tonalités – crème, blanc cassé, marron. Intérieurs qu’il meuble avec parcimonie de pièces vintage nordiques, de mobilier dessiné par ses soins ou de créations exclusives commanditées à des artisans d’art.

La pièce du musée

Pierre Darriel, Fauteuil de jardin Biarritz, vers 1926
Pierre Darriel, Fauteuil de jardin Biarritz, vers 1926
© MAD, Paris

Le fauteuil de jardin Biarritz, en planches de bois laqué blanc, créé en1926 par le fabricant de mobilier d’extérieur Pierre Dariel (1889-1953) a séduit Pierre Yovanovitch par sa fausse simplicité et la modernité de son dessin. Le siège fut légué au MAD par Jean-Pierre Hugot en 1979.

Le décor à vivre

Murs et plafond blancs sont facettés, et des vitraux viennent s’intercaler dans les lignes brisées. Faisant face au fauteuil se déplie un long canapé, sorte d’origami de bois. Pierre Yovanovitch architecture un espace tout en tensions graphiques dont émane pourtant une grande sérénité. Plus intimiste encore, l’antichambre adjacente à la pièce principale, dont les parois curvilignes recouvertes de métal patiné soulignent la quiétude du propos.

Le salon de bains de Charles Zana

Le décorateur

Fin connaisseur du design italien et amateur d’art contemporain, Charles Zana sait composer des espaces où il fait bon vivre. Cet architecte, formé aux Beaux-Arts de Paris, qui a monté son agence en 1990, travaille les volumes, la circulation entre les espaces, et porte une attention toute particulière à l’éclairage. Son choix de matériaux nobles et de chaudes tonalités participent à l’aspect chaleureux de ses créations.

La pièce du musée

Ettore Sottsass, Suspension, 1957
Ettore Sottsass, Suspension, 1957
© MAD / Photo : Jean Tholance

Charles Zana a mis en scène une suspension sculpturale d’Ettore Sottsass (1917-2007) en métal et Plexiglas, fabriquée en 1957 par Arredoluce. Cette pièce rare, l’une des premières créations du maître du design transalpin, a été acquise en 2013 grâce au mécénat du Cercle Design des Arts Décoratifs.

Le décor à vivre

Agencé comme une cabine de douche, le vestibule annonce la pièce principale qui relève tout autant du caldarium à l’antique que de la salle de bains Art déco ou du spa. Sur les côtés, un bassin et une vasque surmontée de miroirs sont dédiés aux soins. Au centre, un coin salon invite à la détente. Au fond, une ample bibliothèque façon moucharabieh contemporain renvoie aux bains orientaux. Charles Zana hybride fonctions et styles, épurant ses références à coups de lignes tendues et de camaïeux bleutés et ambrés.

Le Musée des Arts Décoratifs et les décorateurs

Le caractère exceptionnel de cette 5e édition d’AD Intérieurs met en lumière la longue complicité qui s’est tissée entre Les Arts Décoratifs et le monde des décorateurs. Cette collaboration s’inscrit dans une continuité historique. Aux fondements même de l’institution, Ernest Guichard, premier président en 1864, était un décorateur très prisé sous le Second Empire. Dès le début, il fit partie des artistes et industriels enthousiastes et décisifs pour la fondation de la Société de l’Union centrale des Beaux-Arts appliqués à l’industrie. Son programme est novateur puisqu’il prévoit non seulement la création d’un musée rétrospectif et contemporain mais aussi d’une bibliothèque gratuite et en accès libre répondant à l’attente des artistes et des artisans désireux d’avoir accès à des collections d’art, sources d’étude et d’inspiration.

Parce que Les Arts Décoratifs leur a offert cette grande richesse de modèles, les décorateurs ont toujours accompagné l’institution par des dons et par leurs conseils. Les « albums » Maciet de la bibliothèque, encyclopédie visuelle unique au monde de 5 000 volumes, véritables répertoires d’images et mémoires de formes, n’ont cessé d’être pour eux une référence documentaire. Tous sont passés à un moment de leur vie dans les salles du musée ou à la bibliothèque, devenues ainsi des lieux incontournables. Pour pérenniser ce vivier de création est fondée, en 1944, l’École Camondo qui forme des étudiants au métier d’architecte d’intérieur et designer.

Certains décorateurs ont été parmi les plus grands donateurs comme Émile Peyre (1824-1904) qui, en 1904, lègue au musée toute sa collection ainsi que la totalité de sa fortune. Ce legs, de près de 4 000 objets, composé de tableaux, de tapisseries, de meubles et d’objets d’art allant du XIIIe au XVIIIe siècle, vint accroître d’une manière considérable la collection du musée. Émile Peyre aimait passionnément le Moyen Âge, le Musée des Arts Décoratifs lui doit la grande majorité de ses chefs-d’œuvre, notamment des retables italiens et espagnols.

Les Arts Décoratifs ont aussi été des commanditaires importants auprès des décorateurs. Lors de l’Exposition universelle de 1900, le pavillon du Bois a été commandé par l’Union centrale des Arts Décoratifs, à Georges Hoentschel (1855-1915). Ce pavillon a été installé au sein du musée dans le pavillon de Marsan à son ouverture en 1905. Sans oublier le pavillon français de l’exposition des Arts Décoratifs à Turin en 1911. L’institution s’est dès lors positionnée comme un lieu qui demande, commande, propose et invite des décorateurs.

À cette tradition s’est ajoutée pendant de nombreuses années la programmation du Salon des artistes décorateurs auquel AD Intérieurs est un écho contemporain. Accueilli à de nombreuses reprises de 1906 à 1922, et plus occasionnellement par la suite, comme en 1968, ce salon est devenu un des événements de la vie culturelle et a fait connaître des générations entières de décorateurs, parmi lesquels Eileen Gray, Jacques-Émile Ruhlmann, Paule Marrot ou encore Jacques Adnet.

À travers les époques, les expositions ont innové avec des mises en décor variées, d’artistes très différents. En 1953, les architectes et décorateurs André Arbus et Jacques Adnet revisitaient des intérieurs dans l’exposition « Le Monde de Paule », consacrée aux créations de la fabricante de papiers peints et de textiles Paule Marrot (1902-1987, médaille d’or textile à l’Exposition internationale des Arts décoratifs et industriels modernes à Paris en 1925). Dans l’histoire des Arts Décoratifs, de nombreux décorateurs sont également intervenus dans la scénographie des collections permanentes du musée. Les salles réaménagées par Serge Royaux dans les années 1960 et 1970 évoquaient l’ambiance d’une maison. Plus récemment encore, c’est là aussi un décorateur français, François-Joseph Graf, qui réaménage en 2006 les period rooms qui permettent aux visiteurs de s’immerger dans des décors d’époque, et à qui l’on doit également l’aménagement du salon des boiseries dont l’accrochage des grands panneaux, de cadres et de somptueux éléments décoratifs évoque les mises en scène de Georges Hoentschel dans sa galerie du boulevard Flandrin.

Marie Kalt, rédactrice en chef de AD France, et Olivier Gabet, directeur des musées des Arts Décoratifs, ont invité 16 décorateurs en leur proposant de travailler autour d’une œuvre particulière, choisie dans les réserves du musée.

Il s’agit donc de se prêter à un exercice de style par la création d’un décor : celui d’une pièce à vivre autour d’un objet représentatif de l’institution en mettant en avant toute la diversité et l’ampleur des collections, toutes typologies et époques confondues, le beau dans l’utile.

Les Arts Décoratifs se réjouissent de rappeler à travers cette manifestation leur rôle essentiel qui vise à rassembler une communauté intéressée par les arts du décor intérieur, le design et les métiers d’art, dans la lignée d’un héritage porté par un siècle et demi de tradition et d’innovation. C’est ainsi une manière de rappeler l’incroyable modernité qui a accompagné la fondation de l’institution il y a 150 ans.

Les Arts Décoratifs sont heureux et enthousiastes de partager cette nouvelle histoire et d’accueillir cette édition d’exception.

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