Parce que Les Arts Décoratifs leur a offert cette grande richesse de modèles, les décorateurs ont toujours accompagné l’institution par des dons et par leurs conseils. Les « albums » Maciet de la bibliothèque, encyclopédie visuelle unique au monde de 5 000 volumes, véritables répertoires d’images et mémoires de formes, n’ont cessé d’être pour eux une référence documentaire. Tous sont passés à un moment de leur vie dans les salles du musée ou à la bibliothèque, devenues ainsi des lieux incontournables. Pour pérenniser ce vivier de création est fondée, en 1944, l’École Camondo qui forme des étudiants au métier d’architecte d’intérieur et designer.
Certains décorateurs ont été parmi les plus grands donateurs comme Émile Peyre (1824-1904) qui, en 1904, lègue au musée toute sa collection ainsi que la totalité de sa fortune. Ce legs, de près de 4 000 objets, composé de tableaux, de tapisseries, de meubles et d’objets d’art allant du XIIIe au XVIIIe siècle, vint accroître d’une manière considérable la collection du musée. Émile Peyre aimait passionnément le Moyen Âge, le Musée des Arts Décoratifs lui doit la grande majorité de ses chefs-d’œuvre, notamment des retables italiens et espagnols.
Les Arts Décoratifs ont aussi été des commanditaires importants auprès des décorateurs. Lors de l’Exposition universelle de 1900, le pavillon du Bois a été commandé par l’Union centrale des Arts Décoratifs, à Georges Hoentschel (1855-1915). Ce pavillon a été installé au sein du musée dans le pavillon de Marsan à son ouverture en 1905. Sans oublier le pavillon français de l’exposition des Arts Décoratifs à Turin en 1911. L’institution s’est dès lors positionnée comme un lieu qui demande, commande, propose et invite des décorateurs.
À cette tradition s’est ajoutée pendant de nombreuses années la programmation du Salon des artistes décorateurs auquel AD Intérieurs est un écho contemporain. Accueilli à de nombreuses reprises de 1906 à 1922, et plus occasionnellement par la suite, comme en 1968, ce salon est devenu un des événements de la vie culturelle et a fait connaître des générations entières de décorateurs, parmi lesquels Eileen Gray, Jacques-Émile Ruhlmann, Paule Marrot ou encore Jacques Adnet.
À travers les époques, les expositions ont innové avec des mises en décor variées, d’artistes très différents. En 1953, les architectes et décorateurs André Arbus et Jacques Adnet revisitaient des intérieurs dans l’exposition « Le Monde de Paule », consacrée aux créations de la fabricante de papiers peints et de textiles Paule Marrot (1902-1987, médaille d’or textile à l’Exposition internationale des Arts décoratifs et industriels modernes à Paris en 1925). Dans l’histoire des Arts Décoratifs, de nombreux décorateurs sont également intervenus dans la scénographie des collections permanentes du musée. Les salles réaménagées par Serge Royaux dans les années 1960 et 1970 évoquaient l’ambiance d’une maison. Plus récemment encore, c’est là aussi un décorateur français, François-Joseph Graf, qui réaménage en 2006 les period rooms qui permettent aux visiteurs de s’immerger dans des décors d’époque, et à qui l’on doit également l’aménagement du salon des boiseries dont l’accrochage des grands panneaux, de cadres et de somptueux éléments décoratifs évoque les mises en scène de Georges Hoentschel dans sa galerie du boulevard Flandrin.
Marie Kalt, rédactrice en chef de AD France, et Olivier Gabet, directeur des musées des Arts Décoratifs, ont invité 16 décorateurs en leur proposant de travailler autour d’une œuvre particulière, choisie dans les réserves du musée.
Il s’agit donc de se prêter à un exercice de style par la création d’un décor : celui d’une pièce à vivre autour d’un objet représentatif de l’institution en mettant en avant toute la diversité et l’ampleur des collections, toutes typologies et époques confondues, le beau dans l’utile.
Les Arts Décoratifs se réjouissent de rappeler à travers cette manifestation leur rôle essentiel qui vise à rassembler une communauté intéressée par les arts du décor intérieur, le design et les métiers d’art, dans la lignée d’un héritage porté par un siècle et demi de tradition et d’innovation. C’est ainsi une manière de rappeler l’incroyable modernité qui a accompagné la fondation de l’institution il y a 150 ans.
Les Arts Décoratifs sont heureux et enthousiastes de partager cette nouvelle histoire et d’accueillir cette édition d’exception.