Theodore Roosevelt et la légende américaine
En novembre 1902, Theodore Roosevelt, le très populaire président des États-Unis, fervent défenseur de la conservation de la nature, est invité à une chasse à l’ours par le gouverneur du Mississippi.
Pour lui éviter de rentrer bredouille, après une longue journée de traque, les organisateurs capturent un ours, l’attachent à un arbre et proposent à Roosevelt de l’abattre. Celui-ci refuse catégoriquement de tirer sur un animal sans défense. L’histoire, inhabituelle, est reprise dans les journaux, notamment par une caricature de Clifford Kennedy Berryman dont le titre, « Drawing the Line in Mississippi », renvoie aussi au tracé de la frontière entre la Louisiane et le Mississippi, arbitré par Roosevelt.
L’ours devient ainsi une sorte de mascotte non officielle de Roosevelt, et le héros de nombreuses caricatures de Berryman illustrant des épisodes de la vie du président (…) Rose et Morris Michtom, propriétaires d’une boutique de bonbons à Brooklyn, inspirés par la presse, réalisent un jouet en tissu bourré qu’ils envoient à Roosevelt puis vendent, avec son autorisation, sous le nom de Teddy’s Bear, « l’ours de Teddy » – surnom courant de Theodore. L’ourson, dont aucun exemplaire n’est connu aujourd’hui, rencontre un grand succès et figure
notamment dans Playthings, le magazine professionnel du jouet, en 1906, définitivement nommé teddy bear. L’année suivante, les Michtom s’associent avec les grossistes Butler Brothers pour créer la marque de jouets Ideal Novelty and Toy Company, qui fabrique et commercialise des ours en mohair.
Elle commence à les commercialiser, en vendant huit en 1880, dix-huit en 1881 et onze en 1882. Une production, certes encore modeste, se met en place, et, en 1883, une liste de prix de la « Filz-Versandt-Geschäfts von
Gretchen Steiff » (entreprise de vente par correspondance d’objets en feutre de Gretchen – diminutif de Margarete – Steiff) mentionne des jouets pour enfants, robustes et sûrs, des éléphants à couverture colorée (…) Le fils de Fritz Steiff, Richard, rejoint l’entreprise en 1897 après des études à l’École des arts décoratifs de Stuttgart. Inventeur dans l’âme, il souhaite aider Steiff à innover. Ainsi essaie-t-il d’articuler les animaux. A-t-il été inspiré par les poupées, dont la fabrication bat son plein en Allemagne à cette époque et dont Steiff vend également quelques modèles ? Quoi qu’il en soit, il se concentre sur les animaux dont les mouvements peuvent ressembler à ceux des humains, l’ours et le singe, se replongeant notamment dans les esquisses qu’il réalisait lors de ses visites au zoo pendant ses études pour affiner la posture et l’expression de ses prototypes.
C’est ainsi que, fin 1902, naissent les premiers animaux en mohair, rembourrés à l’aide de paille de bois et articulés grâce à des ficelles reliant les membres au corps : le singe Aff 60 PB, et surtout le premier ours en peluche.
La saga Steiff
Cette même année 1902, la marque de jouets allemande Steiff lance quant à elle une nouveauté révolutionnaire :
un ours en mohair aux membres articulés. L’entreprise est née d’un atelier de couture créé en 1877 à
Giengen an der Brenz par Margarete Steiff, une jeune femme paralysée par une poliomyélite contractée dans son
enfance. Douée d’un fort caractère, Margarete s’efforce de conquérir, malgré son handicap, autonomie et
indépendance. Elle aménage donc chez ses parents un atelier travaillant le feutre, qui sera doté de la première machine à coudre de la ville. En 1880, la jeune femme s’inspire d’un patron publié dans le numéro de décembre 1879 du journal Die Modenwelt pour réaliser un petit éléphant en feutre. À l’origine coussins pour aiguilles et épingles, les éléphants que Margarete Steiff fabrique pour ses proches sont très appréciés des enfants,
qui les détournent rapidement en jouets.