En 1911, la visite d’une verrerie à Bar-sur-Seine détourna Maurice Marinot, alors trentenaire et jeune père de famille, d’une carrière de peintre qui se voulait proche des fauves mais qui débutait avec difficulté. Il consacra plus de vingt années de recherches et de création à la technique artisanale et millénaire du verre soufflé. Après les sculpteurs Joseph Carriès (1855-1894), devenu céramiste, et Henry Cros (1840-1907), qui « inventa » la technique de la pâte de verre, Marinot se positionna à son tour aux antipodes de la notion d’arts appliqués. Il pensa son œuvre en investissant la pratique et l’imaginaire des techniques mais en gardant les mêmes libertés que le peintre ou le sculpteur, en se voulant poète des formes. Impliqué dans les polémiques de son temps autour de l’objet et de l’art, Marinot s’éleva « contre les mots de décorateur et d’art décoratif. Mon métier de verrier est un jeu aussi gratuit que la peinture et la sculpture. » Marinot a affirmé que la découverte du « verre en son état vivant » dans l’usine des frères Viard, près de Troyes, déclencha « enthousiasme et violent désir de ce jeu nouveau ». Grâce au soutien amical des propriétaires, il fut hôte, apprenti puis maître dans ces lieux. Il put tout d’abord y faire souffler les formes qu’il inventait avant de les décorer d’émail peint, tout en s’astreignant parallèlement à un long et exigeant apprentissage artisanal. Ses recherches formelles et techniques le menèrent aussi à une utilisation inédite de la technique de gravure à l’acide, qui ouvrit la voie à cette nouvelle esthétique d’un verre lourd et épais, « charnu » et sensuel, qui caractérise son travail. Après 1922, il put prendre en charge la totalité du processus de création et de fabrication à chaud et c’est un nouveau lien imaginaire qui s’établit avec la matière : « Cette matière qui naît dans une lutte, dans le feu, dans la fumée, qui se défend ou obéit à tour de rôle, qui obéit quand je la contrains en respectant sa nature. » Si cette sensualité, ce plaisir tactile et visuel et cette simplicité formelle sont évidents, on ne peut occulter qu’une dimension plus intellectuelle et plus théorique a donné sa force à l’œuvre, car cet objet n’est plus un flacon mais une représentation de flacon, l’idée d’un flacon incarné en trois dimensions, en matière, en couleur et en transparence, par l’artiste verrier. Marinot créa des centaines de flacons, souvent très proches mais jamais identiques, qui « naissent les [uns] des autres » ; parmi ces pièces uniques, le ministre Louis Barthou (1862-1934) et son épouse ont opéré une moisson exceptionnelle, principalement à la galerie Hébrard, qui les a conduits à léguer quarante-trois œuvres de Marinot au Musée des Arts Décoratifs. Le flacon Le Perroquet doré, d’un précieux bouillonnement polychrome, figé dans une forme sobre et sensuelle, géométrique mais aux arêtes arrondies, est un des fleurons de cette collection.
J.-L. O.
Guillaume Janneau, Le Verre et l’art de Marinot, Paris, H. Floury, 1925.
Jean-Luc Olivié, « L’œuvre en verre », dans Maurice Marinot peintre et verrier, Michel Hoog (sous la dir. de), catalogue d’exposition, Paris, musée de l’Orangerie, Paris, Réunion des musées nationaux, 1990.