L’époque Moderne

Les périls extérieurs menacent avec les régimes totalitaires instaurés par Mussolini en Italie et Hitler en Allemagne. En 1933, le Bauhaus est dissous. La plupart de ses membres émigrent. Gropius s’installe en Angleterre puis aux États-Unis. En France, les années 1930 sont troublées. Les manifestations se multiplient, souvent réprimées dans le sang.

Leader des socialistes, Léon Blum prend la tête du Front populaire en 1936. Avec les accords de Matignon, le gouvernement français et les syndicats s’engagent dans une série de mesures sociales sans précédent. Grâce à l’instauration des deux semaines de congés payés, l’été 1936 voit les premières manifestations du tourisme de masse.

À Paris, en 1937, l’Exposition internationale des arts et des techniques dans la vie moderne reflète l’exacerbation des nationalismes. La manifestation est dominée par les pavillons colossaux de l’URSS et de l’Allemagne nazie. Dans le Pavillon espagnol, Picasso expose Guernica, inspiré du bombardement de la ville martyre cette année-là.

Quoiqu’elle participe à la victoire aux côtés des Alliés, la France sort affaiblie du second conflit mondial. Elle n’est plus la grande puissance du début du siècle. Économiquement au plus bas, elle voit son empire colonial affaibli. Cependant, le plan Marshall accélère la reconstruction et permet aux foyers français de bénéficier des avancées techniques favorisant la vie de tous les jours. Voitures de pénurie, la 2CV Citroën et la 4CV Renault équipent les ménages.

En 1945, le suffrage universel est élargi aux femmes. Les luttes sociales d’antan déclinent tandis que naît la société de consommation. Dans une période dominée par les idéologies, Malraux, ministre des Affaires culturelles en 1959, veut faire de l’art « le substitut de toutes les transcendances ». Au cinéma, la Nouvelle Vague affiche le goût du document, du journal intime, du reportage dans sa quête d’une réalité existentielle.

L’époque Contemporaine

Les années 1960 voient une uniformisation croissante des modes de vie et de pensée, portée par les innovations incessantes de la science et de la technologie. La société s’urbanise, le niveau de vie s’élève, permettant d’accéder à des biens jadis réservés aux privilégiés.

Lancée par la styliste anglaise Mary Quant en 1965, la minijupe symbolise la libération du conformisme. Le dynamisme des générations nouvelles s’incarne aussi dans l’invasion des matières plastiques qui transforment tous les objets du quotidien.

La crise de 1968 révèle les aspirations diverses de cette société secouée par de profondes mutations : consommation en forte croissance, démocratisation éducative et culturelle. Elle dénonce le gaspillage, l’artificialité des besoins créés par une industrie en constante expansion.

Dans Le Système des objets, le sociologue et philosophe Jean Baudrillard écrit que « les objets tendent à se constituer en un système cohérent de signes » qui structure les comportements.

Avec les années 1980 réapparaissent des problématiques sociales presque oubliées pendant les Trente Glorieuses : chômage de masse, intégration des immigrés, inflation. Grâce à un mécénat très actif, la production culturelle des États-Unis d’Amérique connaît un développement majeur.

Malgré la morosité économique, la vie culturelle française reste vigoureuse. Soucieux de graver leur nom dans l’histoire, les présidents français se lancent dans une politique de grands travaux : Centre Pompidou, musée d’Orsay, rénovation du Louvre, Grande Arche, Opéra-Bastille, Bibliothèque nationale de France, musée des Arts premiers.

L’exception culturelle française, qui soustrait la culture des règles du commerce international, est solennellement reconnue par l’Unesco le 20 octobre 2005.

1937, entre industrie et « beaux métiers »

Avec 44 nations représentées, plus de 300 palais et pavillons construits, 31 millions de visiteurs, l’Exposition de 1937 fut la dernière grande manifestation de ce genre à se tenir à Paris. Baptisée « internationale » plutôt que « universelle », elle visait avant tout à affirmer la suprématie de la France dans le domaine des arts du luxe.

Organisée autour de la thématique « arts et techniques », elle fédérait des productions très disparates. Le Pavillon de l’Aéronautique, le Pavillon de la Lumière, l’exceptionnel Pavillon de Saint-Gobain par René Coulon et Jacques Adnet, le Pavillon de l’U.A.M., les illuminations électriques spectaculaires du site plaçaient l’exposition sous le signe de la modernité industrielle.

À l’opposé, le Centre des Métiers présentait les productions des manufactures nationales, Sèvres, Gobelins, la Monnaie, insistant sur la pérennité des « beaux métiers de France », loin des dangers de « la standardisation de l’usine ».

Défenseur d’un « nouveau classicisme » à la française, André Arbus prophétisait la mort du « cubisme de bazar » et des « sièges en tubes » de 1925. Sensible dans des pavillons comme ceux des Artistes décorateurs ou de l’Architecture privée, le retour à l’ornement et à la grâce du XVIIIe siècle n’était plus un crime.

Jean Royère (1902-1981)

Travaillant pour des commanditaires privés, jouissant d’une riche clientèle internationale, Jean Royère ouvrit des agences dans le monde entier : Le Caire, Beyrouth, Lima, Sao Paulo… Se méfiant des théories comme des écoles, il ne craignait pas de dire que les mots « fonctionnel » ou « contemporain » étaient pour lui vides de sens. « Que ce soit réussi », tel était son mot d’ordre. Il avait fait ses début au Havre dans l’import-export avant d’entrer dans une fabrique de meubles. En 1937, L’Exposition internationale des arts et techniques le consacrait comme l’un des décorateurs les plus novateurs.

En 1939, avec le fauteuil Éléphanteau, il expérimentait les premières formes biomorphiques. À partir des années 1950, il donna libre cours à ses « formes libres », employant aussi bien le bois que le plastique, la tôle perforée voire, dans l’appartement d’Henri Salvador, la fragile marqueterie de paille.

Le règne du plastique

Lorsqu’elles envahissent l’univers du design dans les années 1960, les matières plastiques ont déjà derrière elles une longue histoire industrielle. L’ébonite naît de la découverte par Goodyear de la vulcanisation du caoutchouc en 1839, le celluloïd apparaît à la fin du siècle, la bakélite en 1907. Dans les années 1930, Allemands et Américains rivalisent dans la mise au point de matériaux entièrement artificiels : mélamine, nylon, plexiglas, polyéthylène…

L’essor de la pétrochimie des années 1950 marque l’irruption massive du plastique dans la vie quotidienne. En 1960, Verner Panton crée Cantilever, la première chaise entièrement réalisée en plastique. Des firmes italiennes telles que Kartell, Artemide ou Danese propagent une esthétique nouvelle, liée à cette matière.

En France, Quasar diffuse un mobilier gonflable. Epousant volontiers les formes organiques, le plastique contribue à l’éviction du vocabulaire rationaliste. Porté par l’optimisme de la société de consommation, il rejoint l’esthétique lisse et distanciée du Pop Art.

Le bureau du ministre

Outre les Grands Travaux qui modifièrent le paysage architectural parisien, l’élection de François Mitterrand à la présidence de la République en 1981 fut aussi l’occasion de faire entrer le design dans certains des palais nationaux.

Au Palais de l’Élysée, Marc Held, Annie Tribel, Ronald-Cecil Sportes, Philippe Starck et Jean-Michel Wilmotte réaménagèrent les appartements privés, tandis que Pierre Paulin concevait le nouveau mobilier du bureau présidentiel.

À Bercy, l’aménagement du bureau du ministre des Finances fut confié à Andrée Putmann. Celle-ci conçut également le mobilier du bureau du ministre de la Culture au Palais-Royal en 1985.

Cinq ans plus tard, Sylvain Dubuisson était appelé à renouveler ce mobilier. Réalisés par les ateliers du Mobilier national, le bureau et les sièges sont en bois de lourofaya couleur miel et cuir ivoire. Dubuisson proposait ici une variation sur le thème de son bureau 1989, admiré par Jack Lang alors ministre.

Pour le Palais-Royal, la courbe du bureau fut amplifiée, et le siège placé latéralement dans le modèle d’origine trouva ici sa place au centre. Quant aux fauteuils dont les pieds en spirales de fil métallique contenaient, dans la version 1989, des objets symboliques, ils adoptèrent un piétement plus classique évoquant la solidité du mobilier Empire ou Restauration. Réalisé par la manufacture de la Savonnerie, le tapis reproduisait en laine un dallage géométrique vu en perspective.

Philippe Starck (né en 1949)

Météorite lancée dans le ciel du design français, Philippe Starck fonde une première entreprise en 1968. Il réalise alors des objets gonflables. À la fin des années 1970, il se signale par la décoration des clubs parisiens La Main bleue et les Bains-Douches. En 1979, il fonde Starck Products et développe la création d’objets industrialisés.

Daté de 1982, son fameux fauteuil Richard III figure parmi le mobilier des appartements privés du palais de l’Élysée qu’il décore alors. De même, l’aménagement du Café Costes (1984, détruit) voit l’édition d’un fauteuil tripode promis à un grand succès. Projeté sur la scène internationale, Starck conçoit hôtels et restaurants à Tokyo, New York, Hong Kong ou Mexico.

Sa passion pour le design industriel l’amène à repenser les objets du quotidien, de la brosse à dent au scooter, et jusqu‘à la flamme olympique. Marqué à ses débuts par Memphis et l’esthétique post-moderne, son style aisément identifiable a évolué vers des formes organiques épurées.

Suivez-nous

Abonnez-vous à notre newsletter