Trois ou quatre fois par an, généralement au printemps, le comte reçoit jusqu’à trente convives dans sa somptueuse salle à manger. Fin mai-début juin, a lieu le déjeuner « Louvre » qui réunit des conservateurs et des membres du Conseil des musées nationaux. Au déjeuner « Marsan » sont conviés tous les administrateurs du conseil de l’Union Centrale des Arts décoratifs1 dont Moïse de Camondo est devenu vice-président en 1930. Egalement au printemps, le comte reçoit à sa table plusieurs gourmets du Club des Cent. Le chef soigne alors particulièrement la composition du repas.
Pour orner sa table, Moïse de Camondo n’hésite pas à utiliser des pièces de sa collection comme ce pot à oille et son plateau en argent réalisés vers 1785 par l’orfèvre du roi Robert-Joseph Auguste. Sommé d’une magnifique hure de sanglier, véritable sculpture d’argent, il porte les armoiries d’une famille portugaise, marque du prestige dont jouissait l’orfèvre dans toute l’ Europe.
Les salières et les moutardiers aux poinçons datés 1784-1785 sont l’œuvre de l’orfèvre Joseph-Théodore Van Cauwenbergh. Caractéristiques du style arabesque en faveur à l’époque, leurs rinceaux d’acanthe ajourés enserrent les récipients de verre bleu.
À la richesse de l’orfèvrerie répond celle de la porcelaine. Toutefois, Moïse de Camondo n’utilise pas ses services de porcelaine de Sèvres Buffon, trop précieux et fragiles, et, à ce titre, présentés en permanence dans le Cabinet des porcelaines voisin. Pour son usage personnel, le comte se réserve deux services, l’un en porcelaine de Tournai et l’autre en porcelaine de Chantilly. Les assiettes à décor polychrome de bouquets de fleurs vers 1760 en proviennent. Elles révèlent un aspect très raffiné de la manufacture fondée par le prince de Condé en 1730.
Ces éléments sont les seuls dont nous disposions pour reconstituer une table dressée. Homme réservé, Moïse de Camondo n’a pas souhaité intégrer à son legs des témoignages de la vie quotidienne de l’hôtel. Le linge de maison, les services de table, la batterie de cuisine et les vêtements des garde-robes ont en effet été transmis à sa fille Béatrice.
C’est pourquoi la reconstitution de cette table n’aurait pu être réalisée sans le généreux soutien des maisons suivantes : Puiforcat a donné les couverts en argent massif Vauban au dessin caractéristique de l’époque Régence, et Saint-Louis, les verres et carafes en cristal du service Trianon créé en 1834 et toujours produit à la main par la manufacture. La nappe et les serviettes sont un don de la société D. Porthault.