Trois grands noms de la couture marquèrent de leur griffe le style Art déco. Couturier de la « femme ornée » 1900, Jacques Doucet simplifia les lignes de ses robes vers 1910. Mais surtout, dès 1912, renonçant à son hôtel particulier XVIIIe, il décidait d’emménager dans un décor avant-gardiste. « Croyez-moi, nos contemporaines ne peuvent être jolies que dans un décor moderne », disait-il. S’entourant de quelques-uns des créateurs les plus prometteurs comme Legrain, Iribe ou Coard, il définissait ainsi son rôle : « Séduire aux joies du risque quelques jeunes gens bien doués. » Son audace alla jusqu’aux Demoiselles d’Avignon, de Picasso, qu’il acheta.
Marqué par l’esthétique des Ballets russes, Paul Poiret voyait la femme en sultane alanguie. Il supprima le corset mais entrava le bas des robes. En 1911, il fut le premier couturier à posséder sa maison de parfums, Rosine. La même année, marqué par l’influence des créateurs viennois du Wiener Werkstätte, il créait l’atelier Martine, renouvelant les arts du décor : papier peint, broderie, tapisserie, porcelaine, mobilier… Surnommées « les Martine », les jeunes femmes qu’il avait formées contribuèrent avec Dufy au décor des trois péniches que Poiret présentait à l’Exposition de 1925.
Cette année-là, Jeanne Lanvin figurait parmi les rares créateurs à avoir les honneurs du pavillon de l’Élégance. Incarnation de « l’excellence française », elle présidait alors, il est vrai, la « classe XX » de l’Exposition, consacrée au vêtement. Avec Armand-Albert Rateau, qui aménagea son hôtel particulier, elle créa Lanvin Decoration. Elle en fut l’unique cliente, à l’exception de l’actrice Jane Renouardt qui fit redécorer en « bleu Lanvin » le théâtre Daunou… Rateau, dont elle partageait le goût de la ligne antique et des matériaux rares, dessina pour elle le fameux flacon sphérique des Parfums Lanvin.