Adrien Faizelot Delorme (1691-1768), ébéniste (attr. à), Étienne-Simon Martin (1703-1770), vernisseur (attr. à), Secrétaire en pente, Paris, vers 1749-1750
Bâti de peuplier ou tilleul, sycomore, noyer, placage de prunier et amarante ; vernis bleu et rouge, moire bleue, papier bleu, bronze argenté, bronze doré, fer
Marque au feu : BV sous une couronne fermée ; inscription à l’encre : N°3./2703 ; inscription à la mine de plomb au revers des tiroirs : 1, 2, 3, et M. Victoire ; numéro peint : D.-W. 1404
H. 88 ; l. 69 ; pr. 43 cm
Don David et Flora David-Weill, 1937
Inv. 32636
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Les meubles en vernis « façon du Japon » à fond bleu furent à la mode au milieu du XVIIIe siècle, mais seules des pièces exceptionnelles furent décorées dans ce ton, comme ce petit secrétaire en pente. Le décor en relief de son abattant reproduit un précieux panneau de laque du Japon, provenant vraisemblablement d’un cabinet de la fin du XVIIe siècle, et qui fut finalement remonté sur une encoignure de Martin Carlin livrée par le marchand mercier Darnault à Madame Adélaïde en 1782. Ce panneau avait donc figuré au milieu du siècle, comme modèle, dans l’atelier du vernisseur en charge de décorer le petit secrétaire. Peut-être s’agissait-il, parmi les cinq frères Martin, d’Étienne-Simon ou de Guillaume (mais ce dernier mourut en 1749), seuls « vernisseurs du roi » à maîtriser une technique particulière de vernis en relief, à l’imitation des laques japonaises. Les relations des Martin avec les ébénistes et marchands ébénistes restent difficiles à saisir, mais il est fort probable que des meubles aussi raffinés furent réalisés par l’entremise d’un marchand mercier. Le bâti lui-même, qui n’est pas estampillé, doit provenir de l’atelier d’Adrien Faizelot Delorme dont il présente certains traits caractéristiques comme le pincement des arêtes du piètement ou le frisage de l’intérieur du caisson en prunier. Ce petit bureau de vernis bleu est l’un des rares meubles identifiés provenant du château de Bellevue, situé sur les hauteurs de Sèvres, lorsqu’il était la résidence de Madame de Pompadour. Le château, dont la marquise avait surveillé la construction commencée en 1748 et achevée en 1750, fut meublé principalement de meubles en laque, fournis comme une grande partie des objets d’art par le marchand mercier Lazare Duvaux au cours des années 1750 et 1751. Ce dernier ne semble pas cependant avoir livré le petit secrétaire qui a pu être acquis auprès de l’un de ses confrères, Duvaux n’ayant pas l’exclusivité des livraisons à la marquise. Lorsqu’en 1757, Madame de Pompadour se dessaisit du château de Bellevue au profit du roi, la propriété fut cédée en grande partie meublée, la marquise ayant conservé les meubles les plus somptueux rapportés dans sa résidence parisienne, l’actuel palais de l’Élysée. C’est pourquoi ce secrétaire apparaît dans l’inventaire du château dressé en 1763, sous le numéro 3. Contrairement à la passion pour les laques à fond noir qui ne se démentit jamais, le goût pour les meubles et objets de vernis bleu, ou vert, en relief, fut de courte durée et leur délicate réalisation en limita le nombre. Le reflet de cette évolution du goût se lit dans la localisation du secrétaire à Bellevue, qui devint la propriété de Mesdames, tantes de Louis XVI, jusqu’à la Révolution : après avoir figuré dans l’appartement de Madame Victoire, au premier étage, il fut relégué dans la chambre de la première femme de chambre de Madame Adélaïde.
B. R.
Madame Pompadour et les arts, catalogue d’exposition, Versailles, musée national des châteaux de Versailles et de Trianon, 2002, Paris, Réunion des musées nationaux, 2002, n°138, p. 326-327.