Plus d’une centaine affiches et de projets éditoriaux sont venus rejoindre les collections du musée des Arts décoratifs grâce au don généreux de l’Atelier Tout va bien (Dijon), studio avec lequel le département Design graphique entretien des liens depuis 2017, année de son invitation pour une conférence dans le cadre des Rendez-vous graphiques.
Fondé en 2011 par Anna Chevance et Mathias Reynoird, l’Atelier Tout va bien, dont le nom fait écho au célèbre « meilleur des mondes possibles » de Leibnitz raillé par Voltaire dans son Candide, travaille aussi bien pour les institutions culturelles publiques que pour le milieu associatif ou encore le secteur privé. Les deux graphistes, de 2006 à 2008, ont étudié ensemble la Communication Visuelle à l’École Supérieure d’Arts Appliqués de Bourgogne à Nevers (ÉSAAB) avant de poursuivre leur formation à l’École Européenne Supérieure d’Art de Bretagne à Rennes (ÉESAB) où ils se spécialisent en design graphique et obtiennent le Diplôme national supérieur d’expression plastique (DNSEP) en 2011. Le duo articule son travail de façon complémentaire. Généralement, là ou Anna Chevance développe grilles éditoriales, compositions des textes et typographies, Mathias Reynoird interroge images, couleurs, formes et dynamiques visuelles. Dans tous les cas, « nous étudions le contexte, nous cherchons une approche juste. Lorsque notre « fil rouge » nous semble assez solide, l’un d’entre nous développe le projet et garde les rênes jusque dans les détails. L’autre peut ainsi conserver un regard plus détaché, plus objectif et donc plus critique sur la construction de l’ensemble » (Étapes, n°222, p. 200).
Dès 2012, l’Atelier Tout va bien débute sa collaboration avec les Ateliers Vortex (Dijon), association créée la même année pour promouvoir et diffuser la scène artistique contemporaine par le biais de résidences, d’expositions et d’événements culturels. Pour ce centre d’art, et dans le cadre plus global de la définition de son identité visuelle (affiches, éditions, site internet), les graphistes imaginent entre autres supports des cartons d’invitation sur lesquels le seul travail graphique et typographique doit évoquer, sans montrer, l’œuvre de l’artiste exposé ou le propos de l’exposition. En 2019, ils réalisent le catalogue rétrospectif des sept premières années d’activités des Ateliers Vortex sous la forme d’un ouvrage broché à plat, revêtant l’apparence d’un simple bloc-notes, sobre et fonctionnel, qui, ouvert, révèle et conserve la mémoire « de toute l’énergie du lieu » par le témoignage riche et dense de nombreuses illustrations.
Entre 2015 et 2018, l’Atelier tout va bien réalise, avec la collaboration du graphiste Angelo Gatti, l’identité des soirées musicales de l’association dijonnaise Vaporetto qui organise des concerts pop-rock, soul, funk, jazz et blues sur le principe du bœuf. Ne reposant que sur des éléments graphiques et typographiques modulables et n’utilisant qu’exclusivement le rouge et le noir sur un fond jaune, rappelant l’esthétique des emballages alimentaires du milieu du XXe siècle, la formule reste la même d’un événement à l’autre, garantissant une identité forte, tout en étant continuellement renouvelée par le jeu de nouvelles associations graphiques, de déformations, de recompositions.
Les collaborations des deux graphistes dans le domaine de la musique sont nombreuses et fructueuses. Ainsi, après les affiches conçues entre 2016 et 2018 pour « Ici l’Onde », saison musicale du centre d’art Le Consortium (Dijon) mise en œuvre par l’association Why Note, entrées dans les collections du département Design graphique en 2018, l’Atelier tout va bien a également dessiné les affiches des saison 2018-2019 et 2020 ainsi que les programmes et autocollants promotionnels. Ces travaux s’inscrivent dans le dans le droit fil de l’idée d’origine, celle de témoigner graphiquement du caractère expérimental de la musique interprétée lors de la saison. Bandes de papier, rangs de points colorés ou véritables perforations du support, les techniques utilisées par les graphistes et les effets visuels qu’elles suscitent convoquent à la fois l’univers des instruments de musique mécaniques et les cartes perforées développées par l’ingénieur Herman Hollerith qui constituent le seuil de l’ère informatique. Dans le domaine musical toujours, l’Atelier tout va bien imagine les affiches et le programme de l’édition 2018 de Franc Tamponnage, événement culturel dédié aux « musiques alternatives et sauvages » en région Bourgogne Franche-Comté, qui illustrent avec force le nom du festival.
Au-delà des commandes locales, l’Atelier tout va bien travaille à l’échelle d’un territoire bien plus large et ce depuis sa création. Dès 2013, le duo crée l’identité graphique de la manifestation parisienne organisée par le Collectif Jeune Cinéma, structure qui encourage les pratiques expérimentales de l’image et du film. Renouvelées tous les ans, les affiches interprètent la thématique de l’édition. En 2017, pour sa 19e édition, l’événement questionne les rouages techniques du film. Depuis 2017, l’Atelier tout va bien accompagne également ARTCENA, Centre national des arts du cirque, de la rue et du théâtre, né un an plus tôt à Paris de la fusion du Centre national du Théâtre et de HorsLesMurs. Le studio développe le nouveau logo de la structure, évoquant le voyage, la rencontre et la transmission sans favoriser une discipline en particulier, et l’ensemble de ses supports de communication. Ces programmes des années 2019 et 2020, viennent compléter un don antérieur.
En 2019, le duo de graphite crée l’identité visuelle de Nuit Blanche Mayenne, proposition culturelle qui, commandée par Le Kiosque (Centre d’Action Culturelle Mayenne Communauté) sur le modèle de la Nuit Blanche parisienne, valorise la scène artistique contemporaine en investissant « lieux emblématiques et […] recoins patrimoniaux ». Les affiches, imprimées en argent et blanc sur fond noir, une fois installées en ville sur leurs supports rétroéclairés, changent de physionomie selon si elles sont vues le jour ou la nuit. Si l’ensemble des informations est lisible en journée, dans la nuit, seuls les inscription et motifs laissés en blanc sont visibles. Le graphisme, inspiré par la cartographie de la manifestation, évoque un territoire-événement à travers lequel le public est amené à déambuler. L’année suivante, l’Atelier tout va bien répond de nouveau au Kiosque pour la création de l’identité visuelle de sa saison 2020-2021. Les trois affiches développées rappellent le produit d’un moulage par injection qui évoque la modularité, la variété, la complémentarité et l’autonomie des propositions culturelles du Kiosque.
C’est enfin lors d’une résidence au Centre d’Art contemporain Chanot à Clamart en 2019 que le studio se voir confier le renouvellement de l’identité visuelle du lieu. L’Atelier tout va bien développe un graphisme modulaire, ludique et coloré qui reprend le principe graphique du logo du centre d’art. Il s’inscrit ainsi dans la suite de Côme de Bouchony, Fanette Mellier, Syndicat et l’Atelier Müesli qui tous ont été invités à travailler au CACC.
Le don de L’Atelier tout va bien illustre également certains des travaux du studio pour le secteur privé avec notamment les rapports d’activité 2018 et 2019 de la Fondation d’entreprise Hermès, objets sobres et efficaces, dont les couleurs reprenant celles du logo de la fondation.