Peintre symboliste membre de la Rose-Croix, Armand Point se tourne dans les années 1990 vers les arts décoratifs pour embrasser une carrière d’artiste complet. En 1896, il fonde dans sa maison de Marlotte, en forêt de Fontainebleau, un phalanstère d’artistes. Considéré comme le « William Morris français », Armand Point s’inspire de l’expérience du mouvement anglais Arts and Craft, plaçant toutes les expressions artistiques au centre de la vie quotidienne. Peintres, céramistes, brodeurs ou encore émailleurs y mènent une vie en communauté sur le modèle des corporations de la Renaissance.
Exécutée à Marlotte en 1904, la Dame au cygne se déploie dans une baie cintrée en bronze doré portée par deux colonnettes émaillées, ornée de fleurettes, de feuilles et de bandeaux de perles et sertie sur son pourtour de pierres semi-précieuses. La dame, vêtue d’une robe brodée de fleurs et les cheveux tressés en chignon, joue d’une double flûte au bord d’un lac sur lequel un cygne aux ailes déployées s’est arrêté pour écouter le concert.
Armand Point met ici savamment en œuvre les différentes techniques de l’émail, champlevé et cloisonné, qu’il pratique depuis 1899. Il dévoile l’excellence de sa maîtrise des dégradés et des effets de transparence des couleurs. À cette Arcadie retrouvée, dans laquelle toute la nature communie au son de la musique, répond la synesthésie des matériaux : l’ivoire pour la peau, les cheveux de la dame et sa double flûte, le bronze doré, les émaux, les pierres semi-précieuses.
La beauté toute botticellienne de cette joueuse de flûte est une traduction en émail des peintures et des dessins d’Armand Point. Cette œuvre se distingue des manifestations japonistes de l’Art nouveau français et présente une autre facette de la modernité, au carrefour des courants symboliste et préraphaélite.