LE MONDE DU CIRQUE
Dans l’exposition, deux cirques rares sont présentés : celui de la firme américaine Schoenhut (1905) et le cirque Pinder (1975). Un troisième cirque témoigne d’une salle mythique celle du cirque des Champs-Elysées (fin XIXe siècle), aujourd’hui disparue. Une soixantaine de jouets à l’effigie du clown, figure incontournable du cirque, retrace ses numéros et acrobaties avec humour.
La piste aux étoiles
En s’inspirant des grands cirques ambulants du début du XXe siècle, le Ringling Brothers Bailey Circus et le Barnum & Bailey Circus aux États-Unis, Albert Schoenhut crée en 1905 des personnages et des animaux en bois peint, articulés grâce à des élastiques. « Albert le clown » est la première pièce fabriquée. La grande nouveauté du Humpty Dumpty Circus est d’avoir invité l’enfant à développer son instinct créateur – il était encore vendu en France dans les années 1930 sous la référence « cirque américain ». L’artiste Alexander Calder crée dans les années 1920 le Grand Cirque (1926-1931). Les premiers essais sont réalisés à partir des personnages du cirque Humpty Dumpty. Un extrait du film réalisé par Jean Painlevé est montré dans l’exposition.
Le cirque Pinder (1975) est une œuvre à quatre mains. Dès les années 1970, Pierre Petit (1902-1990) imagine et fabrique des jouets en bois dans son appartement de Bourges. Son épouse Raymonde Petit (1901-1990) les peint avec une palette de quatre couleurs, des Valentines vives (jaune, rouge, bleu et verte). Composée de vingt-sept éléments, cette grande caravane sur roulettes est en partance pour un pays imaginaire. Souvenir d’enfance, ce cirque est une invitation à un voyage magique. Il célèbre la fête, le loisir mais aussi un rite de passage avec notamment le portique Pinder.
Le cirque des Champs-Elysées, appelé aussi cirque d’été, cirque national ou encore cirque de l’Impératrice est une salle parisienne mythique qui a été édifiée en 1841 au Carré Marigny. Sa grande attraction a longtemps été le clown sauteur Jean-Baptiste Auriol (1806-1881). Le jouet animé et musical date de la fin du XIXe siècle. Il est constitué d’un coffret rouge avec deux battants. Ouverts, ils sont décorés de loges occupées par des spectateurs en tenue de soirée. Cette boîte à musique qui devait fasciner et endormir les enfants est aussi un témoignage des loisirs et de son public.
Les clowns
« Il n’y aurait jamais eu de Charlie Chaplin, de Buster Keaton ou de Laurel et Hardy s’il n’y avait pas eu le cirque » a dit Jacques Tati en 1974. C’est cette figure du comique qui a inspiré une des scènes hilarantes de Parade qui sera projetée dans l’exposition, celle où il est habillé en costume et casquette et mime un gardien de but. Nul besoin pour Tati de porter un nez rouge, des habits colorés, des grandes savates, des cheveux rouges, de rire ou pleurer fort pour être clown. Tati réinvente le burlesque.
Le monde du jouet représente les clowns les plus célèbres. Le grand Auriol qui courait sur des bouteilles ; le fameux duo Footit et Chocolat, l’un blanc et l’autre noir ; « Boum-Boum » du cirque Médrano ; le trio des frères Fratellini ou encore Guguss et Boboss puis les comiques du cinéma, Charlot et Laurel et Hardy. Les Fratellini se retrouvent en jouets sur roulettes dans le catalogue d’étrennes des Galeries Lafayette de 1925 sous la marque Jouets de Paris. Chacun joue d’un instrument de musique : Paul, de l’accordéon, François le clown blanc, de la guitare, et Albert, au chapeau haut de forme du tuba.
Les masques de clown en plastique constituent dans les années 1980 des ensembles colorés chez les fabricants français César et Festa. On y retrouve Charly, Renato, Zavatta mais aussi le clown blanc, le triste et le joyeux. La photographe Valérie Belin a réalisé en 2004-2005 une série de masques photographiés en grand format noir et blanc. Deux clowns seront exposés. Ils contrastent avec le monde miniature et chatoyant du jouet et donnent ainsi une inquiétante étrangeté à ces personnages qui ne sont pas toujours vus comme des rois du rire.
LE MONDE DU THEATRE
Au milieu du XIXe siècle, il existe vingt-six salles de spectacle en activité à Paris. Les plus connues sont la Comédie Française et l’Opéra, mais de très nombreux théâtres privés sont aussi implantés le long des boulevards qui vont de la Porte Saint-Martin à la Bastille, d’où l’expression « théâtre de boulevard ». Pour un public plus familial et enfantin, il y a de nombreux théâtres de Guignol dans les jardins et les parcs ainsi que des théâtres d’ombres dans des salles de spectacles.
Les théâtres miniatures
Deux scènes de théâtres miniatures sont exposées : celle de l’Opéra (1900) dont le décor représente la façade d’un château au milieu d’un parc est animée par trois marionnettes suspendues à un fil ; celle de la Porte Saint-Martin (vers 1920) est composée d’un rideau de scène qui descend à l’aide d’une manivelle et d’un décor champêtre.
Dès 1796, l’imagerie Pellerin réalise des planches imprimées que les enfants découpent et montent sur carton ou sur bois afin de bâtir leur propre théâtre avec scènes et acteurs où se jouent des spectacles de cape et d’épée, issus de Contes ou encore de la commedia dell’arte.
Le Castelet
Guignol est une marionnette à gaine française créée à Lyon vers 1808 par Laurent Mourguet. Il est le personnage principal, formant avec Gnafron et Madelon le trio récurrent des pièces du répertoire classique. Ce théâtre de marionnettes au succès indémodable met aussi en scène les vieux canevas classiques de la commedia dell’arte. Les fabricants de jouets réalisent de véritables théâtres en bois vendus avec des marionnettes. Celui qui est exposé date du milieu du XIXe siècle. Il illustre une scène de Méphistophélès. On retrouve aussi Guignol dans les publicités de la marque de réglisse Zan dès 1899. Il est bel et bien le héros de l’époque.
Les théâtres d’ombres
C’est au XVIIIe siècle que la France découvre le théâtre d’ombres avec Dominique Séraphin (1747-1800). Installé à Versailles et admis plusieurs fois à divertir la famille royale, il obtient en 1771 pour son théâtre de silhouettes le titre de Spectacle des Enfants de France. « Le pont cassé » est un des grands succès de la troupe. On le retrouve dans les coffrets Ombres chinoises pour enfants qui offrent une multitude de scènes à imaginer. Parmi les tableaux à créer, ceux à sensation perforées, des saynettes comiques à faire dérouler, enfin des silhouettes noires à animer à l’aide de baguettes. L’ensemble complet d’un des coffrets imprimés par le fabricant français de jeu Saussine sera exposé dans l’exposition.
Dans le monde du cinéma d’animation, l’artiste allemande Lotte Reiniger (1899-1981) est une référence. Elle est f ascinée dans sa jeunesse par l’essor du cinéma, notamment par les films de Georges Méliès, grand utilisateur d’effets spéciaux. Elle commence à réaliser des courts-métrages entièrement conçus de silhouettes de papiers découpées à partir des années 1920. Avec Papageno (1935), qui sera projeté dans l’exposition, Lotte Reiniger réalise un magnifique opéra convoquant la féérie et l’Amour.
Les silhouettes animées
Plasticien, scénographe et graphiste, Jean-François Guillon s’empare du monde du jouet et du jeu et met en place plusieurs dispositifs où des mots et des silhouettes se déploient, se déplacent et se rencontrent, en créant des poèmes visuels animés. La signalétique de l’exposition est conçue comme un jeu de construction lettriste, où les mots s’entremêlent de façon ludique. En s’inspirant des théâtres d’ombres et de films d’animation, il réalise deux installations : Grande parade, la vitrine dédiée au cirque, présente un ensemble de silhouettes découpées évoquant les grandes figures de la piste aux étoiles : le clown, Mr. Loyal, l’acrobate, le jongleur, etc. Une projection vidéo crée autour d’elles une série de jeux graphiques amusants, évoquant le mouvement et la féérie de chaque numéro.
Pour Tous en scène, la vitrine dédiée au théâtre, Jean-François Guillon installe une source lumineuse mobile se déplaçant à la façon d’un petit train-jouet électrique autour d’autres silhouettes découpées, rappelant des personnages de théâtre. Le déplacement de la lumière provoque un ballet d’ombres projetées : pantins et marionnettes composent une chorégraphie ludique et envoûtante.
Avec l’œuvre sonore Le Locuteur, il réactive un dispositif conçu en 2012 au Théâtre National de Bretagne pour le spectacle Parlaparole de Didier Galas. Les fausses enceintes qui étaient déployées sur la scène sont ici installées au pied d’un dessin mural évoquant le traditionnel masque de théâtre, face auquel est posé un micro. La voix qui en émane, celle de l’acteur et metteur en scène Didier Galas, se joue musicalement des intonations du théâtre ou des bruits et cris du cirque, sous la forme d’une partition d’onomatopées : « Badabam’ / badabang’ / badabing’ / badabang’ / badabing’ / badabam’ badabing’ / badabiam’ / badaboum’ / badaboum’... plouf’ ! »