Le sport avant le sport
Dans un parcours chronologique entrecoupé de parties thématiques, l’exposition s’ouvre sur un espace circulaire dédié à l’Antiquité, lorsque le sport était associé à la nudité. L’ère médiévale et l’époque moderne sont évoquées à travers le tournoi médiéval et le jeu de paume. Si les illustrations du Moyen Âge dépeignent l’importance du vêtement comme signe de reconnaissance d’un jouteur ou d’une équipe, la paume révèle un paradoxe entre une recherche de confort et un souci d’élégance très présent malgré l’activité physique. On y découvre que la couleur blanche, encore associée au tennis aujourd’hui, trouve déjà ses racines dans cette pratique ancienne.
En selle ou en garde !
Les premiers exercices physiques proviennent d’activités utilitaires aristocratiques, telles que la chasse, l’archerie ou l’escrime. À travers des vêtements remis dans leur contexte, le visiteur découvre que ces loisirs sont avant tout synonymes de raffinement, mais qu’ils sont aussi l’occasion de quelques évolutions vestimentaires, comme la culotte pour les cavalières. Le propos est renforcé par des représentations picturales de figures historiques telles que Marie-Antoinette.
Sport, effort, confort ?
Le sport prend une nouvelle envergure au début du XIXe siècle, le courant hygiéniste promouvant l’activité physique pour être en bonne santé. La section débute en mettant l’accent sur l’importance de la gymnastique dans ces nouveaux enjeux, puis se poursuit en abordant les sports collectifs. Le football et le rugby sont l’occasion pour les hommes d’adopter les premiers maillots. Des jerseys de la fin du XIXe siècle et du début du XXe siècle sont présentés avec les premières chaussures à crampons pour le football et à pointes pour l’athlétisme. À l’opposé, les tenues féminines sont marquées par d’élégantes robes de tennis, de golf, et de croquet. À la fin du XIXe siècle, les sports individuels prisés de la bonne société sont avant tout une occasion de distinction sociale. Les peintures et les photographies du tournant du siècle, notamment celles de Jacques-Henri Lartigue, montrent de manière cocasse ces femmes à grands chapeaux, bien loin de notre imaginaire du sport. La bicyclette, très rapidement appréciée des hommes mais aussi des femmes, devient pour elles un outil d’émancipation. Culottes bouffantes ou bloomers portés pour faire du vélo en sont les témoins.
À l’eau ! De la baignade à la nage
La baignade et la nage jouent un rôle important dans notre manière d’envisager l’habillement aujourd’hui. Dans une ambiance aquatique immersive, cette section dévoile l’influence de ces pratiques sur le recul de la pudeur et le dévoilement du corps. Depuis les costumes de bain féminins très couvrants de la fin du XIXe siècle aux premiers bikinis des années 1940, les nageuses ont contribué à l’acceptation des tenues de bain moulantes et de plus en plus réduites. En effet, dès l’entre-deux-guerres, les grandes championnes ont adopté le maillot deux-pièces, avant son arrivée dans le monde de la mode. Le maillot de bain est aussi un moyen d’aborder la question de l’unisexe, avec les maillots féminins et masculins qui, dans les années 1930, se confondent. Enfin, on découvre les innovations contemporaines, telle la combinaison Speedo qui, en 2008, a été considérée comme un “dopage technologique”, l’efficacité de sa composition ayant permis de battre de nombreux records.
Aux origines du sportswear
L’entre-deux-guerres est une période cruciale dans les relations entre la mode et le sport avec les premiers vêtements conçus spécialement pour le sport, tel l’incontournable polo Lacoste. Les grands couturiers, fascinés par les compétitions du moment, imaginent des vêtements confortables et élégants, inspirés du vestiaire sportif. Jean Patou, Jeanne Lanvin, Elsa Schiaparelli et Gabrielle Chanel ont participé aux débuts de ce qu’on appelle déjà le sportswear.
Glisser, de la glace aux trottoirs
L’exposition aborde la notion de « glisse », dans une vision très large. Les sports d’hiver (alpinisme, patinage, ski) sont à l’origine d’innovations techniques et, à nouveau, d’une acceptation progressive du pantalon dans le vestiaire féminin. Du splendide sweater Hermès des années 1930 à la combinaison de moniteur de ski du Club Med des années 1980, c’est un univers de mode à part entière qui s’expose. Le surf et le skateboard, contre-cultures incontournables de la seconde moitié du XXe siècle, sont également abordés. Tous deux sont associés à des styles vestimentaires bien spécifiques, vite repris par le luxe, comme le montrent une combinaison de surf couture. Ces deux disciplines sont d’autant plus d’actualité qu’elles ont été récemment intégrées aux Jeux olympiques, mettant à l’épreuve les équipementiers : comment s’adapter à des sportifs aux racines rebelles et à leur soif de liberté ?
Le sportswear comme nouvelle norme
Dans la seconde moitié du XXe siècle, le sportswear devient une évidence et prend de plus en plus de place dans la garde-robe, masculine et féminine. Les couturiers eux-mêmes sont extrêmement liés aux compétitions sportives. Certains « sportifs-stylistes » ont, comme René Lacoste, commencé leur carrière sur les terrains avant d’arriver sur les podiums. De manière inattendue, de grands noms apparaissent : Emilio Pucci comme membre de l’équipe olympique italienne de 1936, ou Ottavio Missoni, champion du monde du 400 mètres. D’autres se sont investis aux plus hauts niveaux du sport en signant les uniformes des Jeux olympiques, d’André Courrèges à Issey Miyake, en passant par Balmain ou Lanvin. Le sportswear connaît un véritable essor dans les années 1980 et 1990, grâce à un nouvel idéal corporel lié à la pratique de la musculation et de l’aérobic.
Dans les salles de sport qui fleurissent en nombre, chacun sculpte sa silhouette pour lui donner une apparence saine et jeune. Des personnalités comme Véronique et Davina incarnent cette mouvance, importée des États-Unis. Les survêtements, à l’origine destinés à l’entraînement, intègrent peu à peu les habitudes citadines, à la fois dans le mouvement hip-hop et déclinés par les maisons de luxe, telle Sonia Rykiel. Tout comme les baskets qui se transforment en sneakers : du modèle emblématique Stan Smith aux chaussures les plus prisées par les collectionneurs, un parcours de baskets se déploie le long du mur de la salle.
Couleurs et logos
L’accent est mis sur les nombreux rôles des couleurs et des logos dans la mode, du bleu de l’équipe de France à l’utilisation des nuances fluo. La « logomania » est illustrée par un célèbre polo Lacoste imaginé par les frères Campana, entièrement composé de logos crocodile cousus les uns aux autres.
Prêt, feu… Mode !
La nef se métamorphose en une piste d’athlétisme de mode contemporaine, surplombée d’anneaux colorés rendant hommage à l’Olympisme. Des photographies montrent de célèbres sportifs devenus égéries de mode : Tom Hintnaus pour Calvin Klein, ou Naomi Osaka pour Louis Vuitton.
Sur la piste, les mannequins semblent défiler vêtus des créations des prestigieuses maisons de couture, qui ont puisé leur inspiration dans la richesse et la diversité du monde sportif : motifs d’un ballon de football pour Comme des Garçons ou Paco Rabanne, blouson de base-ball chez Off-White… On découvre comment les sportifs ont à leur tour apporté la mode sur le terrain, comme Serena Williams ou Andre Agassi et leurs incroyables tenues sur les courts de tennis, ou la patineuse Surya Bonaly avec son justaucorps signé Christian Lacroix. Au fond de la nef, des podiums mettent en lumière les collaborations toujours plus nombreuses entre les grands équipementiers du sport et les maisons de couture. En 2003, la ligne Y-3, issue de la collaboration entre Adidas et Yohji Yamamoto, est pionnière en la matière. Les fructueuses associations entre Lacoste et Freaky Debbie, Gucci et adidas, ou Balmain et Puma sont présentées. Enfin, sur leur gradin, les spectateurs ont un rapport au vêtement bien particulier, élaborant leur propre mise en scène pour assister aux événements sportifs. De l’élégante robe portée pour assister aux courses hippiques en 1900, au maillot du RC-Lens des supporters de l’équipe de football, les pratiques ont bien changé au fil du temps. Certains vêtements sportifs deviennent de véritables reliques, comme le maillot porté par Zinedine Zidane pour la finale de la Coupe du Monde de football en 1998. René Lacoste résume tous ces enjeux en quelques mots : « Jouer et gagner ne suffit pas, encore faut-il maîtriser son style ».
Ainsi cette exposition célèbre la créativité et l’innovation en offrant une perspective unique sur l’histoire, l’avenir et la porosité de ces deux domaines. Elle rappelle que la mode et le sport ne sont pas des mondes séparés, mais des forces interconnectées qui continuent de façonner notre quotidien. L’exposition est aussi une invitation à célébrer l’audace de ceux qui ont contribué à cette évolution et à imaginer un avenir où la mode et le sport continueront de se nourrir mutuellement pour nous inspirer et nous motiver.