Aînée d’une famille modeste de onze enfants, Jeanne Lanvin entre chez une modiste dès l’âge 13 ans pour livrer les chapeaux. En 1885, elle s’installe à son compte comme modiste, dans deux chambres sous les toits, rue du Marché-Saint-Honoré, après un apprentissage de modiste et de garnisseuse de mode. En 1889, elle ouvre sa première boutique, 16, rue Boissy-d’Anglas. Ses chapeaux témoignent déjà d’une parfaite maîtrise des matières et des formes et d’un sens aigu de la silhouette qui lui permettent de fidéliser la clientèle et de s’agrandir. En 1893, la maison Lanvin est ainsi inaugurée au 22, rue du Faubourg-Saint-Honoré.
De son premier mariage en 1896 avec Emile di Pietro, dont elle divorce 7 ans plus tard, naît en 1897, sa fille unique, Marguerite, Marie, Blanche, avec laquelle elle entretiendra une relation fusionnelle ; le logo de la maison Lanvin inspiré d’une photo de Jeanne et de sa fille à un bal costumé en 1907, en est notamment un des témoignages. Encouragée par le succès auprès de ses clientes des vêtements qu’elle réalise pour Marguerite, Jeanne Lanvin, inscrite dans l’annuaire de la mode depuis 1901, décide de la création d’un département Enfant en 1908. Suivront l’année suivante, l’ouverture des départements Femme, Jeune fille, Mariée et Fourrure, conjointement à son inscription au Syndicat de la couture comme couturière. En 1918, elle possède la totalité de l’immeuble du 22, rue du Faubourg-Saint-Honoré, où elle installe les ateliers de flou, tailleurs, broderie, lingerie, chapeaux et dessin. Elle ouvre également des succursales à Deauville, Biarritz, Barcelone et Buenos Aires.
En 1921, Jeanne Lanvin s’associe avec le décorateur Armand-Albert Rateau, rencontré au milieu des années 10 probablement par l’intermédiaire de Paul Poiret. Ensemble, ils créent la maison Lanvin Décoration dont le premier chantier sera le théâtre Daunou à Paris, inauguré en décembre 1921, propriété de l’actrice Jane Renouardt, amie et cliente de Jeanne Lanvin. Suivront les aménagements des immeubles Lanvin aux 15 et 22, rue du Faubourg Saint-Honoré en 1922 et 1923. Rateau est également chargé de la décoration et de l’ameublement de ses résidences privées entre 1921 et 1925. Au 16, rue Barbet-de-Jouy, dans l’hôtel particulier qu’elle a acquis en 1920, il crée une salle à manger et décore l’aile attenante à l’hôtel qu’elle vient de faire construire. Le décorateur aménage également ses maisons du Vésinet, La Chêneraie et La Buisserie. Cette association de la mode et des arts décoratifs est encore manifeste en 1925, lors de l’exposition internationale des Arts décoratifs et industriels modernes. Jeanne Lanvin, alors au faîte de sa gloire (la maison compte 23 ateliers où travaillent 800 personnes, sans compter le personnel de vente) est vice-présidente de l’organisation de l’exposition et présidente de la classe 20 (Vêtements). Elle confie à Rateau l’aménagement intérieur des lieux où couture et mode sont présentées et où elle expose elle-même : « l’Allée de la Parure » et la « Loge d’actrice » au Grand Palais, le pavillon de l’Elégance sur le Cours-la-Reine.
La diversification de la maison Lanvin, révolutionnaire à l’époque, se poursuit. En 1924, « Lanvin Parfums » ouvre au 4, rond-point des Champs-Elysées. Le premier grand parfum, My Sin, lancé en 1925, est un succès international. Le plus emblématique, le parfum Arpège, est créé en 1927 pour les trente ans de Marguerite, devenue comtesse Marie-Blanche de Polignac, à la suite de son mariage avec le Comte Jean de Polignac en 1924. Pianiste, elle en inspire le nom. Armand-Albert Rateau imagine le flacon en forme de boule noire, siglé à l’or du fameux logo de la maison Lanvin adopté en 1924. Les ouvertures de nouveaux départements se poursuivent et répondent à une évolution de la société : « Lanvin Sport » en 1925 illustre le confort et le progrès de la technique moderne. Avec l’ouverture de « Lanvin Homme » en 1926, 15, rue du Faubourg Saint-Honoré, la maison Lanvin est alors la seule à proposer deux univers, Homme et Femme.
Ambassadrice de l’élégance française, Jeanne Lanvin continue d’occuper une place éminente dans les différentes manifestations qui se succèdent dans les années 1930. Elle est présidente du groupe de la Couture à l’Exposition coloniale internationale de 1931 à Paris puis présidente du pavillon de l’Elégance à l’Exposition internationale des Arts et Techniques dans la Vie Moderne à Paris en 1937. Elle participe également en 1935 au défilé de haute couture lors de la traversée inaugurale du paquebot « Normandie ». En 1938, elle est promue officier de la Légion d’honneur. L’éloge prononcé par son ami, Sacha Guitry, souligne sa réussite et son côté visionnaire. Sa dernière grande participation sera l’exposition « le Théâtre de la mode », organisée en 1945 pour relancer l’industrie de la mode française après la Seconde guerre mondiale. Elle décède un an plus tard, le 6 juillet1946, dans son hôtel particulier, rue Barbet-de-Jouy.
En 2014, la maison Lanvin, qui a fêté ses 125 ans, est la plus ancienne maison de couture française toujours en activité.