Démonté et remonté une première fois à la fin du XIXe siècle dans un appartement parisien, ce décor a subi encore quelques adaptations lors de son remontage au musée des Arts décoratifs dans les années qui suivirent la Première Guerre mondiale. A l’origine, le salon était sensiblement plus grand, orné de cinq glaces, et s’éclairait par deux fenêtres ouvrant sur la cour. En 1795, la maison devient propriété de Louis Ragueneau, c’est vraisemblablement à cette période que le salon reçut ce décor qui témoigne pour nous aujourd’hui du goût qui régnait alors dans la décoration intérieure.
Apparu dans les dernières années du règne de Louis XVI le goût tapissier met à l’honneur le textile dans les intérieurs les plus luxueux. Les panneaux de boiseries partagent les murs, comme ici, avec des panneaux tendus de soieries, les décors de fenêtres se font plus amples, multipliant les drapés et retroussis, laissant la part belle à la passementerie, et jusqu’aux ceintures des sièges où les festons de soierie accompagnent les lignes de l’assise. Tendues, drapées ou plissées, les étoffes s’allient aux autres matériaux employés dans la décoration offrant des harmonies inattendues de vert, parme, chamois, couleurs alors à la mode qui concourent à créer une atmosphère précieuse et raffinée.
Lors de la restauration de ce décor, le choix s’est porté sur un gros de Tours dont le coloris chamois s’harmonise aux tons dominants des boiseries. Le gros de Tours fait partie de la famille des taffetas qui désignent des étoffes tissées en soie selon l’armure la plus simple.
La cheminée en marbre rouge griotte est ornée d’une frise de bronze doré dont les griffons rappellent ceux de la frise peinte de la corniche. Deux figures d’égyptiennes en gaine ornent les montants, annonciatrices du succès de l’égyptomanie sous l’Empire. Le vocabulaire ornemental emprunté à l’Antiquité depuis la réaction néoclassique est pleinement affirmé.
Le linteau est orné d’éléments en bronze doré en applique composés d’une alternance de palmettes et de sphinges ailés. Les piédroits sont eux traités en gaine avec des têtes égyptiennes coiffées du némès.
Conservant les principes de décoration de l’Ancien Régime, le décor s’articule autour de l’axe que constitue la cheminée avec son trumeau de glace. Des panneaux de parclose étroits rythment la pièce. Leurs motifs de candélabres, traités en trompe-l’œil, évoquent une ornementation de bronze patiné encadrant des médaillons à la manière de Wedgwood. Les portes reprennent le même parti sur des fonds traités en faux bois. De nombreux projets de décoration de cette époque illustrent le même parti décoratif associant candélabres (motif tiré de l’Antiquité et réinterprété de multiples manières depuis la Renaissance), médaillons imitant le grès fin de Wedgwood, et faux bois.