Le dessin sans réserve : un chantier de restauration d’une ampleur inédite

Entre septembre 2019 et mars 2020 s’est déroulé un chantier de restauration de grande ampleur. Plus de deux cents dessins des collections du musée des Arts décoratifs ont été restaurés pour l’exposition « Le dessin sans réserve. Collections du Musée des Arts Décoratifs » qui se déploie actuellement dans les salles d’exposition temporaires du niveau 3, sous la forme d’un abécédaire, mais aussi dans le parcours permanent du musée, en dialogue avec les objets des collections.

Restaurer les dessins : l’observation est le début de la restauration

Les collections du cabinet des dessins du Musée des Arts Décoratifs comptent près de 200 000 dessins du XVe au XXIe siècle. Le papier est le support de la plupart des dessins, mais on trouve aussi des dessins sur parchemin et des petites peintures sur ivoire appelées miniatures. Le papier ou plutôt les papiers se déclinent en papier vergé, papier vélin, papier de couleur, papier calque, papiers raboutés, etc.

  • Le papier vergé se reconnaît au relief laissé par la trace des vergeures lors de sa fabrication. Celles-ci apparaissent comme de fines lignes verticales sur ce dessin d’Émile Reiber (Inv. 2018.62.26).
  • Marguerite Porracchia a dessiné sur un papier vélin fait machine, de couleur bleue. La lumière rasante, projetée latéralement, révèle le grain de ce papier (Inv. 2013.67.187).
  • André Hermant a dessiné sur les deux faces du papier calque vélin, profitant de la translucidité de celui-ci. Au verso, il a appliqué des rehauts blancs pour renforcer les effets de lumière du dessin vu de face. La différence est subtile mais elle accentue remarquablement le relief du dessin (Inv. 989.590).
  • Inv. 989.590, verso.

Les principaux matériaux du dessin sont la pierre noire, la pierre blanche (souvent dite craie blanche), la sanguine, le graphite, l’encre brune, l’encre noire, l’aquarelle, la gouache et le pastel.

  • Pierre noire, pierre blanche et papier bleu vergé. Jean-Baptiste Oudry joue des trois couleurs dans ce dessin vif et précis (Inv. CD 6614 B).
  • La pierre noire soulignée de rehauts de blanc est magistralement utilisée par Achille Duchêne et Henri Brabant dans ce dessin sur papier vélin (Inv. CD 3027.85).
  • La sanguine est associée à des rehauts de blanc appliqués au pinceau dans ce dessin de Carlo Maratti (Inv 12198).
  • Le graphite se reconnaît à sa brillance accentuée encore dans ce dessin de Jean Burkhalter par la surface lisse du papier calque (Inv. 2008.25.2.250).
  • François-Marc l’Aîné Perrier a esquissé son dessin avec du graphite avant de le poursuivre avec de la gouache sur papier vergé (Inv. CD 3549.14).
  • La pierre noire définit les formes, l’aquarelle les fait vivre dans ce dessin d’Henri Rivière. Cette dernière laisse transparaître le papier plus que ne le permet la gouache (CD 5401.26).
  • La dextérité de Gilles-Marie Oppenord s’est exprimée ici avec une plume et de l’encre brune sur papier vergé (Inv. CD 1745).
  • Jean-Paul Jungmann dessine sur papier calque en utilisant des matériaux variés : graphite, crayons de couleur et encre noire (Inv.2010.85.20).
  • L’encre noire enserre les formes et la gouache les colore. Rosa Fuchs a dessiné sur papier vélin (Inv. CD 2922.1).
  • Louis Baeyens emploie la gouache en épaisseur pour couvrir totalement le papier de façon à imiter l’effet d’un papier peint ( Inv. CD 2921.1).

L’équilibre est à trouver entre les contraintes imposées par les matériaux des dessins et les traitements de restauration à mener pour mettre les œuvres dans un état stable de conservation et pouvoir les exposer. Un dessin au pastel, par exemple, craint l’eau. Des auréoles se forment et l’eau modifie la réflexion de la lumière. Le pastel est alors irrémédiablement changé. Un dessin à l’encre brune de composition dite métallogallique craint aussi l’eau, mais les dommages ne sont pas immédiatement visibles. Ils sont pourtant irréversibles et provoquent à terme une vraie fragilité de l’œuvre.

  • Les traits bruns sont à l’encre métallogallique et le lavis au pinceau à l’encre noire au carbone. L’encre métallogallique était noire quand Charles Le Brun l’a choisie pour dessiner. La différence de couleur entre traits et lavis n’était pas marquée. L’encre métallogallique s’est modifiée en vieillissant et a changé de couleur (Inv. 6375).
  • La diffusion latérale de l’encre métallogallique et sa pénétration au cœur du papier sont une des caractéristiques de cette encre. Celles-ci donnent une sorte de flou aux traits du dessin de Parmigianino (Inv. 40233).
La gouache est lacunaire : elle s’est écaillée et détachée du papier. Les cassures altèrent aussi la lecture, tout comme les tâches. Le dessin comporte un repentir : un papier collé comme une correction apportée à la première proposition. La fleur au centre sur la droite est à cheval sur le papier de l’œuvre et le papier du repentir (Antoine Berjon. Inv. CD 204).

Les restaurateurs ont observé tous les dessins exposés pour savoir quelles interventions étaient à mener et dans quel ordre ils allaient commencer. Cette première étape a été suivie par une campagne de photographies des dessins et par un constat écrit de l’état de conservation des dessins. Essentiel, ce temps d’observation a aussi été celui des questions et de la réflexion sur les traitements à effectuer.

Le dépoussiérage : un résultat tangible

Qu’ils soient conservés en album, dans un montage ou encadrés, les dessins ont très souvent pris la poussière. Ils doivent être nettoyés car cette dernière peut être porteuse de spores de micro-organismes. Ceux-ci peuvent « se réveiller », à l’occasion d’une variation d’hygrométrie par exemple, et se développer en champignons papivores.

Les dépoussiérages sont pratiqués à sec au pinceau doux ou avec des éponges en latex. L’une d’elles est une éponge blanche faite pour le démaquillage. Sa surface est d’un contact doux. En absorbant la poussière, elle se teinte de gris.

  • Dépoussiérage d’un dessin à la gouache de Louis Payen. L’éponge blanche se teinte de la poussière qui s’était accumulée sur le dessin (Inv. CD 6872).
  • Il a fallu plus d’une éponge pour dépoussiérer ce dessin de Mallet-Stevens (Inv. RI 2019.27.12).

Les techniques sèches , comme la pierre noire ou le graphite, sont plus délicates à dépoussiérer que les techniques humides, comme l’aquarelle ou l’encre, car l’eau a fixé ces dernières dans le papier plus que ne peut le faire le frottement d’un crayon. Les techniques comme les pastels ne peuvent pas être dépoussiérées comme les autres.

Un aspirateur peut aussi être employé, comme par exemple au revers d’une toile sur laquelle un dessin a été marouflé.

  • Le revers de la toile avant dépoussiérage vu avec un grossissement X 24.
  • Le revers de la toile après dépoussiérage.
Dépoussiérage et décollage du papier collé au dos du « Projet de guéridon » de la maison Guéret
© Rémi Freyermuth

Ce grand dessin de guéridon néo-Boulle, à échelle d’exécution, a été réalisé par la maison Guéret, une maison d’ébénisterie active dans la deuxième moitié du XIXe siècle. Il était plié en cinq dans un album, où il avait pris la poussière. Un des premiers gestes du restaurateur du patrimoine a été de nettoyer la surface avec une petite éponge douce, comme le sont celles qui permettent de se démaquiller. La couleur de l’éponge a viré au gris au fur et à mesure du travail de dépoussiérage. C’est une bonne indication de l’avancement du travail. La restauration s’est ensuite poursuivie au verso, où des fragments de papier avaient été collés sur des déchirures. Pour les retirer sans dommage pour le dessin, le restaurateur a découpé et appliqué une plaque de gel rigide de cellulose sur les fragments de papier à décoller. L’humidité contenue dans le gel est passée progressivement au travers du papier et a hydraté la colle. Une action mécanique de grattage des fragments de papier est alors devenue possible, la colle assouplie n’offrant plus de résistance.

Le décollage : inconnues et surprises

Les traitements de décollage sont un saut dans l’inconnu des papiers et des colles. Comment vont se comporter le papier d’œuvre et le papier de support ? Sera-t-il facile ou non à humidifier ? La colle entre le papier d’œuvre et son support est-elle réversible ? Va-t-on pouvoir agir sur celle-ci sans mettre en danger les matériaux graphiques ? Le choix des traitements est dicté par la sensibilité des matériaux graphiques et par des tests de décollage. Les moyens sont divers mais le principe est identique : essayer de rendre la colle malléable en l’hydratant progressivement de façon à pouvoir passer la lame d’un scalpel ou d’une spatule dans son épaisseur ou à éliminer par légères tractions le papier de support.

  • Le dessin de Louis Payen est humidifié par des plaques rigides de gel. Celles-ci sont visibles sous le papier de support, une page d’album, sur lequel le dessin a été collé. La colle est devenue suffisamment malléable pour qu’une spatule puisse être passée entre les deux papiers (Inv CD 2917.10).
  • Après avoir été humidifiée, la page d’album sur laquelle ce dessin de Louis Payen avait été collé est éliminée peu à peu par de légères tractions. La gouache découverte au verso est en partie emprisonnée dans la colle et adhère à la page d’album (Inv. CD 2917.8).
Vu du dos de la page d’album sur laquelle sont collés les dessins de Pierre-Guillaume Lemeunnié, dit Peter (Inv. CD 3949.15) et de François-Marc l’Aîné Perrier (Inv. CD 3549.14). Les rectangles blancs correspondent au collage des dessins sur la face de la page. L’épaisseur de la colle et la proximité créée par le collage ont protégé les papiers de l’oxydation à l’air. L’empreinte des dessins de la page suivante apparaît, comme un dessin en négatif, sur le papier.

La difficulté est d’hydrater la colle tout en gardant le papier d’œuvre aussi sec que possible pour que sa cohésion ne soit pas atteinte. La solution passe souvent par l’emploi de gels de cellulose. Sous forme malléable, ceux-ci épousent les reliefs et les déformations des dessins. Sous forme rigide, ils ont l’avantage d’être facilement éliminés. Ils diffusent l’humidité plus ou moins vite selon la concentration avec laquelle ils ont été préparés. D’usages cosmétiques ou culinaires, ils ont été détournés de leur fonction première par les restaurateurs, qui les ont adaptés à leurs propres besoins.

La majorité des dessins décollés étaient conservés dans des albums. Les pages de ces derniers se sont fortement dégradées en vieillissant, devenant jaunes et cassantes. Aussi était-il important de décoller les dessins pour mieux les préserver. Mais, avant cela, a été consignée la trace de l’agencement des dessins dans les albums, l’histoire de leur présentation en somme.

D’autres dessins étaient collés par points ou par des charnières dans des montages ou sur des feuilles de support.

Deux dessins de grand format étaient pliés dans des albums, l’un en quatre et l’autre en cinq.

Ce grand dessin de Nicolas Pineau était plié en quatre dans un album avant sa restauration. Il mesure environ un mètre sur un mètre quarante (Inv. 8545.1).

Plus ou moins longs, plus ou moins délicats, les décollages diffèrent les uns des autres et requièrent une attention soutenue. Ils sont aussi l’occasion de suspens car ils donnent souvent lieu à des découvertes au verso des dessins : tampon d’un atelier, essais de couleurs ou versos dessinés. La magie opère avec constance. Et ce chantier nous a donné de belles surprises !

  • Découverte d’un verso dessiné au dos d’un dessin de Louis Payen qui était collé dans un album (Inv. CD 6872).
  • Le décollage de ce dessin de Nicolas Pineau a été doublement heureux. Il s’est déroulé facilement, à sec, l’adhérence entre le papier d’oeuvre et le papier de support étant très faible, et il a donné lieu à la découverte d’un verso (Inv.CD 1498).
Décollage du papier de montage d’un dessin à la sanguine de Watteau
© Rémi Freyermuth

Ce paysage à la sanguine, récemment redécouvert, a été exécuté au début du XVIIIe siècle par Antoine Watteau d’après un modèle de Domenico Campagnola, un peintre vénitien du XVIe siècle. Il était collé en plein sur une page d’album. La restauratrice du patrimoine commence par découper la page autour du dessin. Elle pose ensuite le dessin sur une plaque de gel rigide, protège sa surface et recouvre l’ensemble d’un film plastique pour que l’humidité contenue dans le gel passe progressivement dans la page d’album. Après une bonne heure, l’humidité est parvenue jusqu’à la couche de colle, entre la page d’album et le dessin. Une action mécanique de retrait de la page d’album est alors possible. La colle, assouplie, ne présente plus de résistance. La page d’album est retirée par morceaux pour diminuer la force de traction nécessaire à l’opération.

Les consolidations : de la précision avant tout

Le papier est à la fois résistant et fragile. Pensez aux papiers qui nous sont parvenus et dont les premiers exemples datent d’avant notre ère : ils ont survécu de manière étonnante. Et pourtant, il est aisé de déchirer ou de froisser un papier si on le manipule sans attention.

Les restaurateurs interviennent sur les déchirures pour les stopper et pour que les dessins puissent à nouveau être manipulés. C’est un travail de précision. Une fine bande d’un papier japonais réputé pour ses longues fibres résistantes, sa légèreté et sa souplesse, est collée sur le dessin avec une colle réversible à l’eau. Le sens des fibres des papiers est adapté aux consolidations et au résultat souhaité, à savoir minimiser les tensions ou consolider le papier d’œuvre fragilisé par les déchirures. Ainsi, une attention particulière est donnée à des papiers d’œuvre particulièrement réactifs ou spécialement endommagés.

  • Ce grand dessin de Nicolas Pineau, que l’on voyait plié en quatre dans le paragraphe sur le décollage, fait ici l’objet d’une consolidation des déchirures. Les bandes de papier japonais collées pour stopper les déchirures sèchent sous un léger poids au contact de buvards pour absorber le surplus d’humidité (Inv. 8545.1).
  • Recherche d’une teinte pour colorer un papier devant servir à combler une lacune dans un dessin d’Amico Aspertini (Inv. 3961).

Sur un papier calque, l’objectif est de consolider par le dos de façon à ce que cela ne soit pas visible par la face. C’est tout l’enjeu d’un papier transparent !

Consolidation d’une déchirure sur papier calque. La bande de papier japonais est visible car elle n’a pas encore été recoupée et dépasse sur le bord.
La mise à plat : utiliser les propriétés du papier

Le papier est un matériau hydrophile. Il se dilate à l’humidité et se rétracte en séchant. Cette propriété est utilisée pour remettre les dessins à plat.

Avant sa restauration, le dessin sur papier calque de Janine Abraham et Dirk Jan Rol était très déformé. Une remise à plat était nécessaire pour pouvoir l’exposer (Inv. 2013.69.3).

Après une humidification progressive, le plus souvent au travers d’un film de Gore-tex® qui laisse passer l’eau sous une forme fine (le Gore-tex® est utilisé pour les vêtements de sport), la dilatation des dessins est contrôlée. Dès qu’elle est suffisante, les dessins sont remis à plat. Ils sont placés entre des buvards sous presse ou mis en tension sur une surface plane. Les buvards ont un réseau de capillaires développé et ils absorbent l’humidité contenue dans les papiers d’œuvre. Quand la surface des dessins est fragile, une interface lisse et poreuse, du type intissé de polyester, est placée entre les dessins et les buvards. La mise sous presse apporte la contrainte nécessaire pour maintenir l’aplanissement des dessins pendant leur séchage. Les forces en jeu sont importantes et il est parfois surprenant de constater à quel point les déformations des papiers peuvent être tenaces. Il y a des décennies, les restaurateurs appliquaient une pression très importante qui conduisait parfois à perdre une partie du relief du papier. Ce n’est plus le cas aujourd’hui, où la troisième dimension du papier est appréciée.

Le grand dessin de Nicolas Pineau est en cours d’humidification. Il est posé sur un film de Gore-tex, au travers duquel passe l’humidité contenue dans des buvards mouillés installés sous celui-ci, et il est recouvert d’un intissé de polyester et d’un film plastique pour contenir l’évaporation et créer un milieu humide (Inv. 8455.1).

La mise en tension d’un dessin requiert de coller au pourtour des œuvres des bandes de tension. Un papier japonais est généralement choisi pour sa souplesse et son élasticité. Une fois les bandes collées de manière réversible, souvent avec de la colle d’amidon de blé choisie pour son haut pouvoir adhésif à faible concentration, les dessins sont humidifiés et les bandes de tension sont collées sur une surface plane, une planche de bois ou un panneau appelé de son nom japonais karibari, composé de 7 couches de papier sur une structure ajourée de bois assemblé à la manière d’un claustra. La dernière couche de papier est recouverte d’un jus de kaki fermenté qui a la propriété d’être partiellement imperméable. En séchant, les dessins vont se rétracter. L’aplanissement correspond à l’état de plus faible énergie dans lequel le papier va se mettre du fait des contraintes auxquelles il est soumis. Cette technique est classique et bien connue des aquarellistes, qui tendaient leur papier avant de peindre pour limiter et maitriser les déformations dues à un travail « dans l’humide ». Elle a été adaptée à la restauration des œuvres d’arts graphiques et enrichie des techniques et des matériaux japonais qui permettent une plus grande souplesse et élasticité.

Un grand dessin de la maison Guéret va être mis en tension sur un panneau japonais, appelé karibari pour sa remise à plat (Inv. CD 6493.5.2).
Mise à plat du « Projet de guéridon » de la maison Guéret
© Rémi Freyermuth

Le grand dessin de guéridon de la maison Guéret est préparé pour être mis en tension. Des bandes de papier japonais, utilisées pour leur résistance et leur finesse, ont été pliées et sont collées tout autour du dessin, sur son verso. Le plissage augmente l’élasticité du papier. Une fois cette étape terminée, le dessin est humidifié, lentement, pour dilater le papier. En séchant, il va rétrécir et retrouver son format d’origine, mais, comme il a été fixé à son pourtour par le collage des bandes de papier japonais, il est contraint de s’aplanir. Le séchage prend alors plusieurs semaines pour que la mise à plat soit stable.

Remise à plat du grand « Couronnement de miroir » d’atelier de Nicolas Pineau
© Rémi Freyermuth

Nicolas Pineau est l’un des plus grands dessinateurs d’ornements et de décors intérieurs de la première moitié du XVIIIe siècle. Ce grand dessin à la sanguine est un modèle à échelle d’exécution pour un couronnement de miroir. Dans le cadre de sa restauration, il a été placé entre des buvards et des planches pour être remis à plat après avoir été humidifié pour que le papier se dilate. Les restauratrices ouvrent la presse pour vérifier comment s’est passée la mise à plat, si les buvards ont bien absorbé l’humidité apportée et si le poids des planches était suffisant.

Le montage : reflet des goûts et des époques

Dans la seconde moitié du XXe siècle, les montages des dessins entre deux cartons blancs ou de couleur ivoire, avec une ouverture en fenêtre à la dimension des dessins, se sont généralisés dans toutes les collections de musées. Ils répondent à des impératifs de présentation et de consultation des œuvres, ainsi qu’à une rationalisation des formats destinée à simplifier les classements, les rangements et les expositions. Ils permettent aussi une sécurisation des œuvres, en particulier dans le cas de petits et de très petits dessins.

La systématisation de ce mode de montage, ainsi que l’esthétique nette et propre qu’elle apporte, commencent doucement à être remises en question pour des raisons de conservation ; certains musées à l’étranger ont ainsi modifié ce mode de rangement de façon à limiter le contact des œuvres avec l’oxygène. La confrontation avec un montage blanc ou ivoire, par ailleurs, fait parfois paraître plus jaune et plus dégradé les dessins qu’ils ne le sont en réalité. Les cartons blancs, par ailleurs, ressortent nettement à une faible intensité lumineuse comme celle préconisée pour l’exposition des dessins, car ils ont souvent un pouvoir réfléchissant plus fort que les dessins eux-mêmes.

Dans le contexte de l’exposition Le dessin sans réserve, ces réflexions sur les montages ont pris un sens particulier. Pour des raisons d’histoire et de goût, la présentation des dessins dans des cadres anciens a été privilégiée. Dès lors, la question du montage devenait une question à la fois esthétique et économique.

N’étant pas standards, les cadres anciens requièrent un montage sur mesure. Après l’exposition, ce montage ne peut pas être gardé car il n’est pas au format des boîtes de conservation. Les équipes ont ainsi recherché une solution qui soit à la fois plus séduisante et plus économique.

Des fonds de papier ont été colorés avec des couleurs acryliques. Un brun rouge, des bleus et un vert ont été sélectionnés pour créer une gamme de couleurs. Faits à la main, les fonds accrochent la lumière d’une manière subtile au lieu de la réfléchir fortement. Par leurs multiples nuances de teintes, ils s’adaptent aux qualités chromatiques des dessins et les mettent en valeur.

  • Le dessin d’Amico Aspertini a été encadré dans un cadre ancien et mis sur un fond coloré (Inv. 3961).
  • Un fond de couleur bleue a été choisi pour ce dessin d’Alexandre Sandier, qui met en valeur sa luminosité (Inv. PR 2011.7.182).
  • Le Centaure d’Auguste Rodin une fois encadré (Inv.15360.B).

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