En juillet 2021, la Bibliothèque du musée des Arts Décoratifs faisait l’acquisition d’un exemplaire de la seconde édition de luxe de L’Oiseau bleu, pièce de théâtre écrite par l’écrivain belge Maurice Maeterlinck (1862-1949). Cet ouvrage précieux, paru en 1927 et limité à 250 tirages, se présente sous la forme d’un recueil de maquettes, décors et costumes imaginés par le très distingué dessinateur de mode Georges Lepape (1887-1971). Le volume comprend soixante-six aquarelles de l’artiste, somptueusement reproduites au pochoir et rehaussées d’or et d’argent par le maître enlumineur Jean Saudé.
Première de couverture | Le Rideau par Georges Lepape |
« Il existe un mystérieux royaume à la fois très proche et très loin, une contrée où ne va pas qui veut, où seuls ont le droit de voyager les rêves des enfants. »
- Gérard d'Houville, Préface à Décors et Costumes pour L'Oiseau Bleu
L’Oiseau Bleu est une féerie philosophique en six actes et douze tableaux dans laquelle Maeterlinck met en scène la quête de deux enfants, Tyltyl et Myltyl, qui en songe partent à la recherche de l’oiseau bleu et rencontrent en chemin une multitude de personnages surprenants, comme le Sucre, la Chatte, le Tilleul ou le Rhume de cerveau. Dans une atmosphère fantastique et enchantée, la pièce délivre un message de sagesse à propos de la quête du bonheur, dont l’oiseau bleu est l’allégorie.
Planche 3. Le Pays du Souvenir | Planche 8. Tyltyl |
La pièce est jouée pour la première fois en France en 1911 au Théâtre Réjane, à Paris. Puis en 1923, Cora Laparcerie fait appel à Georges Lepape pour concevoir une nouvelle mise en scène de L’Oiseau Bleu pour les représentations du Théâtre Mogador dont elle a la direction. Célèbre pour ses illustrations de mode, pour Paul Poiret ou La Gazette du Bon Ton, Lepape est également amateur de théâtre et vient de réaliser en 1920 les costumes pour L’Enfantement du mort de Marcel L’Herbier.
L’Oiseau Bleu représente cependant un projet bien plus conséquent, avec ses près de 120 personnages, objets, animaux et végétaux, auxquels l’artiste donne vie avec fantaisie et audace. Il imagine ainsi des costumes aux détails astucieusement évocateurs et poétiques plutôt que réalistes, traduisant l’âme des choses plutôt que leur apparence sensible. Pour les décors, ils sont baignés d’une atmosphère de tradition populaire. Comme l’écrit le critique Robert de Beauplan dans L’Illustration de fin novembre 1923 : « C’est à l’imagerie d’Epinal que l’artiste a fait appel. La chaumière du pauvre bûcheron, la maisonnette des grands-parents, la forêt effrayante, le palais de la Nuit peuplé de monstres grimaçants, il a rendu tout cela avec l’ingénuité la plus expressive. »
Planche 10. La Fée | Planche 12. La Chatte | Planche 27. Les Etoiles |
Planche 30. Le Rhume de Cerveau | Planche 37. Le Bouleau | Planche 42. Le coq |
L’Oiseau Bleu marque dans la carrière de Georges Lepape une période d’épanouissement et d’audace. Ses costumes et ses décors sont considérés mémorables et révolutionnaires, rivalisant même avec ceux des Ballets Russes. Une nouvelle révolution décorative aurait alors pu s'amorçer, aussi importante que celle de Léon Bakst ou de Charles Gesmar, si Lepape n'avait pas embarqué pour New-York en 1926 sur l’invitation de Condé Nast, propriétaire de Vogue. En effet, il ne réalisera ensuite jamais plus de décors à Paris.
Planche 58. Les Enfants Bleus | Planche 59. Les Amoureux |
A consulter : Dans les collections de la bibliothèque à la côte Réserve ZC 26
Pour aller plus loin : L'ouvrage Georges Lepape ou L'élégance illustrée (1938) par Claude Lepape et Thierry Defert et l'article de la revue Bon à Tirer n°62 paru en 184 (p.57-61)